L’intensité de la réaction à elle seule témoigne de la terreur de ceux qui ont échappé aux geôles libyennes: « On veut nous renvoyer en Libye », a presque pleuré Riz, un jeune Soudanais d’ordinaire très calme, s’essuyant le visage de ses mains moites au milieu d’une cacophonie de commentaires en français, anglais et arabe.
Des coupures de presse affichées par les équipes de Médecins sans Frontières et SOS Méditerranée – qui gèrent le bateau humanitaire – avec l’intention d’informer les passagers sauvés au large des eaux libyennes de la situation, sont à l’origine de cet affolement.
Parmi les articles placardés, l’un d’eux reprenait une déclaration du ministère norvégien des Affaires étrangères datant d’une dizaine de jours suggérant que les personnes recueillies en mer devraient être renvoyées « en Libye ou en Tunisie. »
« On était en réunion avec MSF pour décider de ce qui devait être expliqué aux gens concernant leur situation quand on a été prévenu » de l’erreur commise, a rapporté à l’AFP Nicholas Romaniuk, coordinateur des opérations de sauvetage à bord.
Les responsables des deux organisations et le médiateur culturel de MSF sont aussitôt intervenus pour calmer les esprits et organiser une réunion dans les trois langues.
Le médiateur, Kira, a martelé qu’il n’était pas question de retourner en Libye et Jay Berger, le coordinateur de la mission MSF, a rappelé qu’avec leur précédent bateau, l’Aquarius, les deux organisations avaient sauvé près de 30.000 personnes, « toutes ramenées en Europe » a-t-il insisté.
Ils ont également exposé les difficultés éprouvées par le bateau espagnol Open Arms, qui a pu finalement accoster sur l’île sicilienne Lampedusa mardi soir et débarquer les dizaines de migrants encore à bord après dix-neuf jours de mer.
« On leur a expliqué qu’il y avait des urgences humanitaires à bord, ce qui les rendaient prioritaires, mais que désormais, c’était eux la priorité pour qui il fallait trouver une solution », a insisté M. Romaniuk.
Les 356 personnes à bord de l’Ocean Viking ont été secourues en quatre opérations entre le 9 et le 12 août au large des eaux libyennes et patientent pour la dixième journée mercredi en mer, dans le canal de Sicile, attendant que leur soit désigné un port de débarquement en Europe.
Quelques incidents ont éclaté, liés à la promiscuité à bord, à l’inactivité, au manque d’eau, d’hygiène et à l’incertitude.
La plupart des personnes recueillies alors qu’elles fuyaient la Libye sur des embarcations au péril de leur vie y ont subi de lourds abus et beaucoup sont traumatisés par les tortures et mauvais traitements subis, relève l’équipe médicale de MSF à bord.
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