« Comme c’est le cas pour le sionisme, l’antisémitisme et le fascisme, il devient maintenant inévitable de considérer l’islamophobie comme un crime contre l’Humanité », a déclaré M. Erdogan devant le 5e Forum organisé par l’Organisation des Nations unies (ONU) pour promouvoir le dialogue entre les religions et entre les peuples (UNAOC).
Un porte-parole du secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon, qui était présent à cette réunion mercredi à Vienne, a rejeté vendredi les commentaires du chef du gouvernement turc.
« Le secrétaire général a entendu le discours du Premier ministre dans une version traduite. Si ces commentaires sur le sionisme ont été traduits correctement, alors ils ne sont pas seulement faux mais ils contredisent aussi les principes qui ont fondé l’Alliance des civilisations », a estimé ce porte-parole.
« Le secrétaire général juge maladroit que des commentaires aussi blessants et qui suscitent des divisions aient été prononcés à une réunion qui avait précisément pour thème le leadership responsable », a-t-il ajouté.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s’est lui aussi insurgé contre ces déclarations.
« C’est une déclaration sombre et mensongère d’un genre qu’on pensait révolu dans ce monde », a déclaré M. Netanyahu dans un communiqué diffusé tard jeudi par ses services.
La Maison blanche a également dénoncé les propos de M. Erdogan, quelques heures avant la visite vendredi du secrétaire d’Etat américain John Kerry à Ankara, où il doit précisément s’entretenir avec le Premier ministre turc.
« Nous rejetons l’assimilation par le Premier ministre Erdogan du sionisme à un crime contre l’Humanité, qui est offensante et fausse », a déclaré un porte-parole du conseil de sécurité Tommy Vietor. « Nous encourageons les peuples de toutes fois, cultures et idées à dénoncer les actions de haine et à surmonter toutes les différences ».
Le Premier ministre turc, qui a fait ses classes politique au sein de partis islamistes mais se définit désormais comme un « démocrate-musulman », est un habitué des déclarations à l’emporte-pièce, et Israël est devenue au cours d’une des dernières années une des cibles privilégiées de ses colères.
Réagissant à l’opération militaire israélienne « Plomb durci » dans la bande de Gaza, M. Erdogan avait violemment pris à partie l’ancien Premier ministre israélien Shimon Peres lors du forum de Davos, en janvier 2009.
« Quand il s’agit de tuer, vous savez très bien tuer », avait-il asséné au prix Nobel de la Paix 1994, avant de quitter le Forum en claquant la porte.
L’assaut d’un commando israélien en 2010 contre un navire humanitaire à destination de Gaza, qui s’était soldé par la mort de neuf ressortissants turcs, a encore aggravé les tensions entre les deux pays, autrefois alliés stratégiques.
M. Erdogan a à cette occasion accusé Israël de « terrorisme d’Etat ». En 2011, il a affirmé qu’il considérait l’Etat hébreu « comme une menace pour la région car il dispose de la bombe atomique ».
Dans des câbles diplomatiques rendus publics en novembre 2010 par le site internet Wikileaks, des diplomates américains ont imputé la dégradation des relations turco-israéliennes à l' »antipathie » d’Erdogan pour Israël. « Erdogan hait tout simplement Israël », y écrivaient-ils.