« C’est comme un +Tetris+ géant: le bateau entre et se cale sur la plateforme, qui ensuite le remonte et pivote pour qu’il aille, sur les rails, se garer ».
Mardi, le président de La Ciotat Shipyards, Patrick Ghigonetto, actionnaire du projet, ne cachait pas sa fierté devant l’Atlas, ascenseur à bateaux à la capacité énorme: 4.300 tonnes.
« On avait besoin de cet outil pour concurrencer Gênes (nord -ouest de l’Italie) et Barcelone (nord-est de l’Espagne) », qui ont des ascenseurs de même capacité, ajoute-t-il. Le plus de La Ciotat, selon lui, est d’avoir de la place pour s’agrandir contrairement à ces deux rivaux.
« Il va nous permettre de lever des bateaux de plus grande taille, en plus grand nombre », assure Jean-Marc Bolinger, directeur général du groupe MB92, spécialisé dans les travaux sur les yachts.
Le groupe espagnol a remporté la mise en concurrence pour la construction et l’exploitation de six des sept places de la plateforme d’Atlas pour 35 ans.
Dans leur viseur: des bateaux de 80 à 115 mètres, de plus en plus nombreux. Si, en 2001, il y avait moins de 30 yachts de plus de 80 mètres dans le monde, aujourd’hui on en compte cinq fois plus, selon MB92.
A quai ce jour-là, un yacht de 90 mètres de long, dont la presse est priée de taire le nom, comme de tous les autres bateaux présents, confidentialité oblige.
Philippe Vincensini, directeur de La Ciotat Shipyards, vante un système de levage des bateaux « bien plus souple » que la forme – un bassin dédié à la réparation navale – « dont on doit pomper puis vider l’eau ».
– « On a toujours de la place » –
Les chantiers navals mettent en avant un « savoir-faire historique », né en 1835 dans ce lieu d’où sortirent durant des années pétroliers et méthaniers.
« On a toujours fait de la construction ici, donc quand il s’agit de faire du +refit+ pour agrandir un bateau, on y arrive », relève-t-il.
« Il y a un phénomène de cluster industriel avec un vrai savoir-faire, car sur les yachts il peut s’agir de changer le moteur comme de rénover les canapés, il y a une grande gamme de métiers impliqués », analyse Paul Tourret, directeur de l’Institut supérieur d’économie maritime.
Pour lui la Ciotat a donc « toute sa place » dans un marché en progression, d’autant que « ce sont des chantiers longue durée et la Ciotat offre une qualité de travail supérieure à celle qu’on a dans l’Atlantique par exemple », avec une météo plus favorable.
Fermés après le choc pétrolier dans les années 1980, les chantiers navals de la Ciotat comptent aujourd’hui 1.200 emplois directs (contre 629 en 2019), après leur renaissance version plaisance.
A 90% dédié au yachting, La Ciotat shipyards en a fait son « coeur de métier », souligne M. Tourret, plus sceptique sur des chantiers comme celui de Marseille, qui, à 40 km de là seulement, a son propre projet d’ascenseur géant.
« Nous n’avons pas d’informations concernant ce projet, effectivement, s’il devait se réaliser ce serait une concurrence supplémentaire », admet pudiquement M. Bolinger de MB92.
Pour Patrick Ghigonetto, de La Ciotat Shipyards « on est les premiers, donc si quelqu’un doit se poser la question, c’est eux ». Contacté par l’AFP, Monaco Marine, qui a remporté le marché de l’ascenseur marseillais, n’a pas répondu aux sollicitations.
L’Atlas (ascenseur+plateforme) a coûté 77 millions d’euros, dont « un peu moins de la moitié » venant des collectivités.
MB92, qui l’a financé à hauteur de 47,6 millions d’euros, espère franchir le seuil des 100 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Très attaqués par les défenseurs de l’environnement, les industriels du yachting assurent que le secteur « a la capacité d’expérimenter et de lancer des innovations qui pourraient influencer le reste de l’industrie maritime de manière importante », selon M. Bolinger.
Problématiques pour la qualité de l’air – un yacht non raccordé au réseau génère par exemple autant de dioxyde d’azote que 250 voitures – ces bateaux sont aussi accusés de participer à la destruction des forêts de posidonie en raison de leur ancrage.