Déclaration commune des ministres de la Défense du Groupe européen des Cinq (E5) à Paris le 12 mars 2025

La sécurité de l’Europe vit un tournant. L’équilibre de notre monde est redéfini à un degré qui n’avait pas été vu depuis plusieurs décennies. Nous, ministres de la Défense de l’Allemagne, de la France, de la Grande-Bretagne, de l’Italie et de la Pologne, réunis aujourd’hui à Paris, affirmons que la paix en Ukraine et la défense de l’Europe sont les besoins les plus urgents de notre époque. Nous reconnaissons que notre sécurité n’est pas distincte, mais partagée, et que notre force ultime repose sur notre engagement indéfectible les uns envers les autres.

Aujourd’hui, nous avons été rejoints par le vice-ministre ukrainien de la Défense Serhii Boiev (par visioconférence), le commissaire européen à la Défense et à l’Espace Andrius Kubilius, le Secrétaire général adjoint du Service européen d’action extérieure Charles Fries et la Secrétaire générale déléguée de l’OTAN Radmila Shekerinska.

Dans la continuité de nos réunions précédentes organisées à Berlin le 25 novembre 2024 et à Helenów le 13 janvier 2025, ainsi qu’à Bruxelles le 13 février 2025, nous avons discuté du soutien à l’Ukraine et de la nécessité de garantir des capacités européennes plus solides pour assurer la sécurité et la défense européennes, dans l’esprit d’un partage équitable du fardeau entre les deux rives de l’Atlantique.

Nous avons convenu qu’une Ukraine forte, indépendante et démocratique est vitale pour la sécurité et la stabilité de la zone euro-atlantique et qu’elle mérite une paix juste et un avenir sûr. A cet égard, nous nous félicitons des avancées permises par les discussions entre les Etats-Unis d’Amérique et l’Ukraine qui se sont tenues le 11 mars à Djeddah, en particulier sur l’idée d’un possible cessez-le-feu pour 30 jours. La balle est maintenant clairement dans le camp de la Russie.

Nous avons également été informés par le commissaire Kubilius des progrès réalisés vers une ambition européenne en matière de renforcement de la défense européenne, y compris en ce qui concerne les propositions récentes de financement par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et le Livre blanc à venir.

Réaffirmant notre Déclaration conjointe adoptée à Helenow le 13 janvier 2025, nous avons décidé de poursuivre les actions suivantes :

1/ Renforcer le soutien européen à la paix en Ukraine

– Continuer à soutenir l’Ukraine pour qu’elle puisse se défendre aujourd’hui et dissuader l’agression russe à l’avenir ;

– Accélérer les projets de coopération industrielle de défense avec l’Ukraine, y compris en matière de conception, de développement, de production, d’acquisition commune et de maintien en condition opérationnelle ;

– Maintenir un rôle de leader dans les coalitions capacitaires qui constituent un forum important pour le renforcement des capacités et la modernisation des forces armées ukrainiennes ;

– Plaider en faveur d’un rôle continu des États-Unis en soutien à l’Ukraine, conjointement à une contribution significative de l’Europe, coordonnée via le Groupe de contact pour la défense de l’Ukraine, afin de favoriser l’interopérabilité, de promouvoir l’unité d’action et d’éviter les doublons ;

– Renforcer le rôle des Alliés européens et de l’OTAN dans la réponse aux besoins urgents de l’Ukraine en coordonnant un soutien accru par le biais du programme de l’OTAN de formation et d’assistance à la sécurité de l’Ukraine (NSATU), en étroite coordination avec la Mission d’assistance militaire de l’UE (EUMAM) ;

– Encourager l’Ukraine à utiliser les financements disponibles, notamment les prêts du G7 (initiative ERA), en priorisant les besoins militaires, ainsi qu’à continuer d’accéder aux financements européens futurs (en particulier via l’Instrument de soutien à l’Ukraine) à mobiliser en soutien à l’Ukraine ;

– Travailler à l’établissement de garanties de sécurité pour une paix durable en Ukraine.

2/ Consolider notre approche commune de la défense européenne dans les cadres de l’OTAN et de l’UE

– Maintenir un lien transatlantique fort tout en augmentant considérablement la contribution européenne à la dissuasion et à la défense du continent ;

– Rester engagés envers l’OTAN, en tant que pierre angulaire de la défense collective, et pour son adaptation militaire continue, notamment par une augmentation des dépenses pour développer nos capacités et par le développement d’initiatives multinationales d’acquisition ainsi que d’outils tels que la Plan d’action pour la production de défense. L’engagement des États-Unis est essentiel à cet égard ;

– Travailler ensemble pour garantir que des initiatives concrètes sur ces questions soient suffisamment reflétées dans les résultats du sommet de La Haye de juin 2025 et de la réunion des ministres de la défense de l’OTAN qui précèdera ;

– Renforcer la base industrielle de défense de l’Europe en travaillant pour :

o l’accélération des processus d’approvisionnement, en partageant les meilleures pratiques et en adaptant les cadres juridiques européens en tant que de besoin, par exemple pour faciliter et accélérer les initiatives d’acquisitions conjointes ;

o la suppression des barrières artificielles en matière de financement, par exemple en examinant les réglementations et les mécanismes de financement européens qui sont discriminants vis-à-vis des projets de défense ;

o la simplification des méthodes et procédures d’acquisition, en utilisant le cas échéant, la boîte à outils industrielle européenne (en particulier les outils existants de l’UE tels que le FED, l’EDIRPA et le futur EDIP) et en ayant une approche commune de coopération pour les pays tiers en tant que de besoin ;

– Rester ouverts à la coopération dans les domaines susmentionnés avec les partenaires extérieurs à l’UE, capables de contribuer à nos efforts ;

– Évaluer les lois, règlements et directives de l’UE, et le cas échéant nationales, qui ne reflètent pas les exigences géopolitiques actuelles et entravent ou ralentissent la préparation de la défense au niveau européen, en vue de simplifier les processus de développement et d’acquisition ;

– Rationaliser les exigences en matière capacitaire en :

o harmonisant les besoins et les spécifications capacitaires, améliorant ainsi notre interopérabilité par la mise en œuvre des normes de l’OTAN ;

o favorisant la cohérence et la complémentarité entre les processus de développement des capacités de l’UE et de l’OTAN respectifs ;

o raccourcissant les processus de qualification et de certification grâce au partage de données et à l’harmonisation des réglementations ;

– Progresser dans le financement des capacités à double usage, y compris en adaptant les pratiques de prêt et en accélérant la mobilité militaire ;

– Faire la promotion conjointe des domaines capacitaires prioritaires dans les cadres de coopération appropriés au niveau européen, sur la base des exigences définies par les ministères de la défense nationaux, tels que les frappes à longue portée et la défense aérienne ;

– Piloter le processus d’augmentation significative des dépenses de défense européennes par le biais d’une variété d’instruments financiers et de réglementations de l’UE.

Nous sommes convaincus que, par le biais de ces grandes lignes d’effort, nous renforcerons l’Europe, l’UE et l’OTAN et créerons les conditions préalables au maintien de la paix par le biais de la force. Nos nations ont l’intention de tirer les leçons des conflits en cours et de l’Histoire, qui montrent que l’Europe doit monter en puissance et s’impliquer davantage pour garantir notre sécurité. Aujourd’hui, nous sommes plus déterminés que jamais à défendre, côte à côte, notre sécurité collective et à assurer la paix sur notre continent demain. Nous sommes prêts à assumer nos responsabilités et nous appelons d’autres nations européennes à se joindre à nous dans ces efforts.

  • Sébastien Lecornu, ministre des Armées françaises,
  • Boris Pistorius, ministre de la Défense allemand,
  • Guido Crosetto, ministre de la Défense italien,
  • Władysław Marcin Kosiniak-Kamysz, vice-président du Conseil des ministres et ministre de la Défense polonais,
  • John Healey, secrétaire d’État à la Défense britannique
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