La France et le Maroc : Deux nations maritimes amies, par Annick Girardin, Ministre de la mer

Les voyageurs rêvent, par temps clair, devant les rives du Maroc qui se dessinent à l’horizon depuis Gibraltar. Son nom, d’origine arabe, révèle l’histoire qui nous lie indéfectiblement au peuple marocain. Arsenal, amiral, avarie, felouque, ces mots maritimes d’origine arabe rappellent que nos relations ont aussi un goût de sel.

La situation géographique du Maroc l’a fait terre de lien entre l’Afrique et l’Europe. Le détroit de Gibraltar, porte d’entrée de la route maritime vers l’Europe, lui assure une place éminemment stratégique en Méditerranée.

Notre proximité n’est pas seulement géographique. Comme la France, l’héritage marocain multiséculaire, riche de sa double façade maritime, a été façonné par les hommes qui y ont commercé par voie de mer. Comme la France, la beauté des littoraux marocains s’offre aux touristes du monde entier. Et comme la France, les talents de ses gens de mer se sont construits patiemment à travers les siècles. Le Maroc est même un modèle à suivre pour l’égalité femmes-hommes dans le secteur maritime : un tiers du personnel est féminin et les femmes marocaines occupent des postes de direction dans les secteurs halieutiques comme portuaire.

Aujourd’hui, nous réaffirmons une relation privilégiée et renouvelée, incarnée par la visite officielle du Président de la République, Emmanuel Macron, au Maroc les 14 et 15 juin 2017, premier déplacement à l’international après son élection. Le Roi Mohammed VI avait aussi choisi la France pour sa première visite d’Etat à l’étranger en mars 2000.

La Méditerranée est au cœur de l’amitié maritime franco-marocaine. La préserver et l’exploiter de manière durable, c’est la vocation de la Coalition pour une Méditerranée exemplaire d’ici 2030, lancée lors du One Planet Summit du 11 janvier 2021. Les pays ont rendez-vous en septembre 2021 à Marseille au Congrès mondial de la Nature de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) pour l’adopter. J’espère que le Maroc, très actif et constructif pendant les discussions, sera à la table des signataires. L’accent doit être mis sur des projets concrets comme l’électrification des ports, une meilleure gestion des aires marines protégées ou de grands projets d’assainissement de l’eau.

Le débat doit être ouvert, avec l’ensemble des pays méditerranéens, pour porter des projets à la fois ambitieux et atteignable par tous. 

« Le Maroc compte parmi le club restreint des États pêchant plus d’un million de tonnes de poissons par an. » Annick Girardin. Crédit photo : DR.

Je relève en particulier la pêche et l’aquaculture durable. La pêche reste l’un des piliers de l’économie marocaine. Le Maroc compte parmi le club restreint des États pêchant plus d’un million de tonnes de poissons par an. Si les prises ont baissé en 2020 avec la crise sanitaire, le Maroc reste le premier État pêcheur du continent Africain, avec des volumes qui dépassent ceux de l’Espagne ou de la France. 

Je pense aussi au transport maritime vert. Il faut notamment mettre en place la zone ECAMED qui permettra de diminuer les pollutions du transport maritime ; le Maroc a été l’un des tout premiers Etat à s’engager avec nous dans la réflexion. Il faut aussi adopter les mesures de décarbonation à l’Organisation maritime internationale. Là encore, je salue l’engagement du Maroc à nos côtés sur la mise en œuvre des mesures de moyen et long terme.

Au sein de l’Union pour la Méditerranée (UpM), une communauté de l’économie bleue s’est constituée. La nouvelle déclaration adoptée en 2020 sur l’économie bleue a évolué vers l’objectif de développement durable n°14, qui porte sur la conservation et sur l’exploitation durable des océans. L’Initiative OuestMED incarne cette communauté. Le Maroc et la France y sont partenaires : le Maroc a co-présidé l’Initiative en 2019 avec la France, puis en 2020 avec l’Italie.

Le Maroc est également membre actif du projet West MOPoCo, coordonné en France par le Secrétariat général de la Mer. Ce projet vise au renforcement de la lutte antipollution en Méditerranée occidentale, particulièrement dans les réponses d’urgence à apporter aux pollutions en mer par hydrocarbures.

J’en suis convaincue : la mer est une formidable voie d’avenir pour la jeunesse. Elle est pourvoyeuse de solutions, d’emplois, de nouvelles opportunités, en assurant le transfert de nombreuses activités de la terre vers la mer.

L’École Royale Navale marocaine et l’École Navale ont des relations étroites et de nombreux officiers marocains ont été formés à la base de Lanvéoc-Poulmic. Le dialogue des deux rives, après le Sommet des deux rives de Marseille de juin 2019, se poursuit aussi en ce sens avec les partenaires du « 5+5 », dont le Maroc.

La 14e rencontre de Haut Niveau entre la France et le Maroc du 19 décembre 2019 a permis de consolider la coopération entre nos deux pays. Le Maroc est le premier bénéficiaire de l’Agence Française de Développement (AFD) avec 400 millions d’euros annuels. Plusieurs projets maritimes sont orientés sur la pêche durable et la redynamisation des ports, notamment le soutien au plan Halieutis pour la mise aux normes sanitaires des équipements de l’Office national des pêches (ONP) ou l’appui financier au programme d’investissement de l’Agence Nationale des Ports. L’ouverture récente de la ligne Marseille/Tanger a d’ailleurs renforcé le partenariat entre les ports de Marseille, premier port de France, et Tanger, premier port de conteneurs du Maroc. Assuré par la compagnie La Méridionale, mêlant fret et passager, cette ligne offre une alternative pertinente au trafic routier et permet de désengorger le port d’Algésiras en Espagne.

Notons aussi l’excellence de la coopération entre le Shom (Service hydrographique et océanographique de la Marine) et la division hydrographique, océanographique et cartographique de la Marine royale. Ce partenariat a connu un développement important avec la collaboration sur la spécification et la recette des équipements du Dar al Beida, bâtiment hydro-océanographique livré en 2018 à la marine royale marocaine par le chantier Piriou.

Enfin, le Maroc et La France ont assuré la présidence partagée du forum méditerranéen des fonctions garde-côtes en 2018 (à Marseille) et 2019 (à Casablanca). Ainsi le Maroc s’illustre comme un référent régional pour l’Afrique de l’Ouest en matière de recherches et sauvetage maritimes.

L’océan est vaste, largement méconnu ; c’est un territoire d’exploration peu investi par l’homme. Le grand voyageur marocain Ibn Battuta, qui a parcouru 120 000 kilomètres au XIVe siècle, est une illustre figure de ces explorateurs intrépides qui ont toujours symbolisé le dépassement de soi, le courage et l’émerveillement face à la découverte de l’inconnu. Ils doivent encore nous inspirer : soyons animés d’une saine curiosité et faisons ensemble l’expérience enrichissante de la rencontre, de l’altérité et de la diversité !

« La situation géographique du Maroc l’a fait terre de lien entre l’Afrique et l’Europe. » Annick Girardin. Crédit photo : INRH.
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