US Navy, à «drones» toute !

Le drone de surveillance maritime américain, MQ-4C Triton
Photo US Navy

Principalement tournés vers le Pacifique et la perspective d’une confrontation
avec la Chine, le Pentagone et particulièrement la marine américaine ont
entamé, il y a plusieurs années, le développement d’une armée de drones
susceptible de compenser et de dominer la masse de l’armée chinoise.
Explications.

Pour les Etats-Unis, puissance thalassocratique par excellence, la mer reste
incontournable dans la «compétition stratégique » et notamment celle qui
l’oppose à son principal rival, la Chine, que Washington se prépare à affronter
directement dans un conflit majeur en Asie-Pacifique. Les Etats-Unis font, dès
lors, de l’investissement dans la puissance maritime une priorité absolue. Pour
conserver leur supériorité opérationnelle, les Américains misent depuis
plusieurs années sur ce qui sera, à n’en pas douter, le « game changer » de la
guerre navale au XXIe siècle : la révolution des drones.
Les Etats-Unis avaient montré leur ambition et leur avance en lançant, dès
2016, le Sea Hunter, le plus grand navire – ou drone – de surface autonome du
monde (40 mètres de long), principalement dédié à la lutte anti sous-marine,
capable grâce à l’intelligence artificielle (IA) d’évoluer en toute autonomie –
pour les manœuvres d’évitement d’obstacles, de positionnement, d’interaction
avec un adversaire intelligent1 –, et de parcourir des milliers de kilomètres sur
une longue durée (jusqu’à 90 jours). La Navy a, depuis, créé une division à part
entière pour superviser l’intégration des navires autonomes de ce type, qui
pourrait développer dans un futur proche de nouveaux drones de grande taille.
Drones de surface, drones aériens, drones sous-marins, la « dronisation » de la
marine américaine concerne toutes les dimensions avec de multiples objectifs,
à commencer par la surveillance maritime, vitale pour contrôler et sécuriser
des espaces de plus en plus contestés. L’US Navy a ainsi commencé à mettre en
œuvre un nouveau drone de surveillance maritime, le MQ-4C Triton dont le
prototype avait fait son premier vol en mai 2013. Dérivé du RQ-4 Global Hawk,
le Triton cumule une vitesse de près de 580 km/h, un rayon d’action de plus de
15 000 km, une altitude maximale de 17 000 mètres et une autonomie de 30

heures, ce qui en fait aujourd’hui l’un des meilleurs drones de ce type au
monde. Autres drones de surveillance développés pour la Navy, le drone-
hélicoptère MQ-8C Fire Scout, entré en service en 2021, qui dispose aussi de
capacités d’appui-feu, et le drone de surface de la société Saildrone, testé en
2021 et 2023, par la IVème et la Vème flottes américaines (lire Marine &
Océans n°280).
La puissance navale étant aussi, et surtout, affaire de logistique, les Etats-Unis
ont entrepris dès 2016 de développer des drones dans ce domaine. L’US Navy
mettra ainsi en service en 2026 le tout premier drone aérien ravitailleur, le MQ-
25A Stingray, embarqué à bord d’un porte-avions. Les premiers essais ont eu
lieu, en 2021, à bord du porte-avions Georges H.W. Bush. Une fois
opérationnel, ce drone sera en mesure de ravitailler des avions jusqu’à 900 km
à partir de sa base flottante. Le MQ-25A Stingray, explique la marine
américaine, sera « le premier aéronef sans pilote opérationnel au monde basé
sur un porte-avions » qui fournira « des capacités essentielles de ravitaillement
en vol mais aussi de renseignement, de surveillance et de reconnaissance ».
Les Etats-Unis développent aussi la Ghost Fleet Overlord, une flotte de six
navires autonomes (disposant tout de même à ce jour d’une présence humaine
à bord), destinés à des transports logistiques mais également à des essais pour
le développement de systèmes de combat des navires sans équipage. La Navy
travaille également au développement d’appareils capables d’opérer de
manière autonome dans les grandes profondeurs, depuis les torpilles
intelligentes jusqu’aux sous-marins « extra larges » du programme Orca, des
engins destinés aussi bien à la surveillance qu’au combat ou au déminage,
dotés d’une autonomie de plusieurs mois pour un rayon d’action de plus de 10
000 km.
Dans un futur proche, 60 % des appareils volants dans l’US Navy seront sans
pilote avec l’objectif de disposer de drones pouvant emporter divers types de
charges utiles et capables d’opérer depuis tous types de navires dans des
conditions météorologiques difficiles.
La Marine américaine ne néglige évidemment pas les drones aériens armés.
Dans les années 2000 avait ainsi été testé le X-47B, drone semi-autonome
approchant la taille d’un avion de combat, pouvant porter deux tonnes
d’armement, dé- passer les 1100 km/h et les 3900 km de rayon d’action, et
même être ravitaillé en vol. Si le programme dédié a pris fin, le savoir-faire a
été conservé et des études sur un drone de ce type sont toujours en cours à
l’image du programme pour le drone furtif armé Kratos XQ-58 Valkyrie, encore

expérimental. Sans train d’atterrissage, projeté à partir d’une rampe de
lancement, il sera appelé à évoluer avec des avions de chasse pilotés, ou en
essaim avec ou sans appareils pilotés, équipé de deux bombes guidées ou de
mini-drones, à une vitesse proche de celle du son avec un rayon d’action
d’environ 5 600 km. Son coût unitaire devant rester inférieur à 3 voire 2
millions de dollars en fonction du nombre d’unités, cela permettrait de le
produire – et donc de l’utiliser – en nombre sans trop craindre de le voir
détruit. Prioritairement développé pour l’US Air Force, ce drone de combat qui
dispose d’un module de lancement conteneurisé embarquable à bord d’un
navire, intéresse aussi l’US Navy qui en a commandé deux exemplaires à titre
d’expérimentation, en 2022. Le Kratos XQ-58 Valkyrie se distinguera surtout
par la performance de son intelligence artificielle (IA).
C’est là l’une des principales ambitions de la révolution des drones dans
laquelle s’est engagée la marine américaine : combiner l’emploi de drones à
des IA toujours plus performantes pour pouvoir mettre en œuvre des essaims
d’appareils peu coûteux pouvant être employés en masse pour saturer
l’adversaire et lui infliger des dommages de grande ampleur. L’IA permettra
ainsi de coordonner des nuées de drones coopératifs pour des missions
multiples : renseignement, désignation d’objectif, frappe…
Ce concept est au cœur du programme Replicator présenté, fin août dernier,
par la Secrétaire adjointe à la défense américaine, Kathleen Hicks. Replicator
vise à donner dans les deux ans, aux forces armées américaines, la capacité de
déployer des milliers de drones, «des plates-formes petites, intelligentes, bon
marché et nombreuses » explique Kathleen Hicks, utilisant l’intelligence
artificielle, pour pouvoir, entre autres, comme le précise l’amiral Aquilino, chef
du commandement indopacifique américain, « frapper 1 000 cibles en 24
heures ». (…)
1- « Brèves marine », Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM), juin 2016.

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L’US Navy mettra ainsi en service en 2026 le tout premier drone aérien
ravitailleur, le MQ-25A Stingray, embarqué à bord d’un porte-avions.
Photo US Navy

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