16 septembre 1936, 5h30 du matin. Une violente tempête cyclonique au large de l’Islande fait couler, corps et bien, un trois-mâts battant pavillon tricolore. Le bilan est lourd : 23 morts, 17 disparus et un seul survivant. Ainsi disparaissent 40 membres de l’équipage du « Pourquoi-Pas ? », dont l’une des figures de l’exploration de ce début du siècle : Jean-Baptiste Charcot.
Rien ne prédestinait pourtant le natif de Neuilly-Sur-Seine à se tourner vers le grand large et les pôles. Né dans une famille de la grande bourgeoisie, il est le fils de Jean-Martin Charcot, clinicien de renom considéré comme le père fondateur de la neurologie moderne.
La voie du fils Charcot semble donc toute tracée. Baccalauréat en poche, le jeune homme pense pourtant à faire carrière dans la Marine, voulant même intégrer l’école navale. Refus catégorique de son père qui concède cependant à son fils de lui acheter un voilier et « de jamais l’empêcher à naviguer ».
Médecin malgré lui
Reçu interne de médecine en 1891, son père cède à sa requête de devenir marin. Jean-Baptiste peut ainsi s’offrir son premier yacht, sur lequel il apprend les rudiments de la voile. Naviguant dès qu’il en a l’occasion, il devient un yachtman émérite. Il sera d’ailleurs double médaillé d’argent de l’épreuve de voile lors des Jeux Olympiques d’été de Londres en 1900.
Entre-temps grâce à un piston, il a intègre la réserve comme médecin de seconde classe, devenant ainsi officier de la Marine. Son rêve de jeune homme s’exauce. Il continue cependant de naviguer comme plaisancier, s’aventurant toujours plus loin. Eté 1902, il franchit pour la première fois le cercle polaire arctique (66°34′ Nord), tutoyant ainsi les glaces.
C’est pourtant, vers l’autre extrémité de la Terre que ses projets vont lui faire mettre le cap. Contrarié par l’absence de la France dans le concert des nations polaires partant à la conquête des pôles, Jean-Baptiste Charcot entreprend de monter une campagne d’exploration en Antarctique, renouant ainsi avec l’esprit d’aventure initié par Dumont d’Urville, un autre glorieux marin d’Etat explorateur polaire.
Pour cette première mission ponctuée par un long hivernage, Jean-Baptiste Charcot fait construire le trois-mâts « le Français ». Plein succès de cette première campagne qui l’incite à y repartir une seconde fois, entre 1908 et 1910, à bord cette fois d’un trois-mâts plus puissant : le « Pourquoi-Pas ? » (quatrième du nom).
Un récit polaire
Réunis en un seul volume, cet ouvrage présente les récits de l’explorateur à propos de ces deux campagnes d’exploration. Ses journaux de bord nous dévoilent son quotidien, et celui de ses hommes d’équipage de marins et de scientifiques, oeuvrant dans le grand froid, le blizzard et le vent afin de cartographier ce qui n’est encore qu’une grande tâche blanche sur les mappemondes et d’en approfondir les mystères.
Marin d’Etat les trois décennies suivantes, le « gentleman polaire » va dès lors sillonner les océans, irrésistiblement attiré par le charme inouï des contrées polaires pourtant inhospitalières. Une passion polaire inoxydable jusqu’à sa disparition en mer, au large de l’Islande, englouti dans son cher « Pourquoi-Pas ? ». Ainsi se façonnent les légendes.
> À LIRE
« Le Français au pôle sud / Le Pourquoi-Pas ? » dans l’Antarctique » de Jean-Baptiste Charcot. 22 € – 541 pages (Arthaud)