Cette thématique a fait l’objet de nombreux échanges au cours d’une des tables rondes des Océanes Atlantiques 2025 (1), consacrée aux coopérations au cœur du système économique industrialo-portuaire pour lequel l’environnement est un enjeu.
A cette occasion, Sylvain Roche, chaire Trent, y a présenté les coopérations interportuaires franco-québécoises, à travers des projets comme HAROPA Ports (grand port fluvio-maritime de l’axe Seine) ou encore Aquitania Ports Link (association des ports commerciaux de la région Nouvelle-Aquitaine). Ces initiatives mutualisent en effet les efforts autour de l’éolien offshore, de la décarbonation et des corridors verts. Ont été évoqués les jumeaux numériques de la Garonne et de l’estuaire de la Gironde, une démarche conduite par le Grand Port Maritime de Bordeaux. Au Québec, HEC Montréal, en partenariat avec le Centre interuniversitaire de recherche (CIRANO), a participé de son côté à la création d’un jumeau numérique de l’économie du corridor des Grands Lacs et du Saint-Laurent, troisième économie mondiale par sa taille, doté d’un financement de 5,2 M$ dont 2,6 M$ de Transports Canada.
Pour sa part, Laurent Dumont, représentant les services de l’État en Normandie, a souligné que le thème de la réindustrialisation et de la décarbonation des ports entre la Vallée de la Seine et le fleuve Saint-Laurent devait prendre en compte un aspect souvent marginalisé dans les discussions sur la transition énergétique : les milieux naturels dans les projets d’aménagement. Il a comparé les berges naturelles observées à Trois-Rivières, à certaines zones françaises où ces écosystèmes ont été altérés. C’est la raison pour laquelle il convient d’intégrer dès le départ la notion de “carbone bleu” — c’est-à-dire la capacité des milieux humides littoraux (vasières, présalés, marais) à capter et stocker le carbone — dans les stratégies de décarbonation.
Ces milieux, selon les premières données issues des Assises nationales du carbone bleu à La Rochelle, présentent des performances remarquables en matière de séquestration du CO2. Il ne faudrait pas remplacer ces zones naturelles par des infrastructures industrielles, même si elles visent à capter du carbone. Laurent Dumont plaide pour une approche intégrée de l’aménagement du territoire valorisant les corridors écologiques et les fonctions naturelles des écosystèmes dans la lutte contre le changement climatique, et appelle à une coopération renforcée entre les territoires de la Seine, de la Gironde et du Saint-Laurent, convaincu qu’une telle synergie peut produire des résultats exemplaires en matière de transition écologique et industrielle.
De la même façon, les thématiques environnementales liées à la décarbonation du transport maritime et à la préservation des écosystèmes littoraux au Québec sont également fortement présentes dans le programme Plaine lancé par le ministère des Transports, qui finance des projets de recherche sur l’électrification des quais, la navigation décarbonée et leurs impacts écologiques. Le Réseau Québec Maritime dirigé par Gwénaëlle Chaillou et titulaire de la chaire de recherche du Canada sur la géochimie des hydro géosystèmes côtiers, coordonne des travaux de recherche sur les herbiers de zostères, végétaux aquatiques en forte régression en Amérique du Nord mais en expansion dans le Saint-Laurent. Ces herbiers, essentiels à la séquestration du carbone, recolonisent naturellement certaines zones, notamment autour de Rimouski. Ces recherches sont menées en lien avec les comités ZIP (zones d’intervention prioritaires), structures semi-subventionnées qui coordonnent la concertation locale et la restauration des berges. Jean-François Fortin, Maire de Sainte-Flavie sur le fleuve du Saint-Laurent, souligne l’importance de ces comités comme partenaires des municipalités. Il insiste sur leur rôle de médiation et de vulgarisation scientifique auprès des citoyens, en facilitant l’acceptabilité́ sociale, en évoquant des actions concrètes comme la plantation de végétaux en zones côtières, menées avec des intervenants locaux tout comme Norbert Samama, maire du Pouliguen et vice-président de l’ANEL, qui, au niveau du territoire agit en partenariat avec des structures associatives et une aire marine éducative.
*Brigitte Bornemann est présidente des publications Mer Veille Energie/ energiesdelamer.eu et co-fondatrice des Océanes Atlantique
- Chaque année, les Océanes Atlantique se tiennent au Pouliguen en Loire Atlantique (Pays de La Loire) et au Québec. Les rencontres portent un regard croisé sur les pratiques de gouvernance menées sur littoral et les territoires portuaires marins et fluviaux des deux côtés de l’Atlantique Nord avec les partenaires et soutiens de l’Institut France-Québec pour la coopération scientifique en appui au secteur maritime (IFQM), la Fondartion de France, le Cerema, Iberdrola, l’Anel…




