Loi de programmation militaire : à quoi faut-il s’attendre ?

Le cabinet du ministre des Armées organisait lundi 3 avril un briefing sur la nouvelle loi de programmation militaire (LPM), auquel Marine & Océans était convié. A quoi faut-il s’attendre ?

De manière large, le ministère des Armées (MINARM) insiste sur le fait que l’enveloppe de 413 milliards d’euros constitue un « plancher » plutôt qu’un plafond. A l’image de la rallonge supplémentaire de 1,5 milliard d’euros pour le budget 2023, les budgets annuels planifiés par cette loi de programmation pourront ainsi bénéficier de crédits supplémentaires en fonction des besoins.

Les « marches » d’augmentation des crédits de défense, c’est-à-dire l’augmentation supplémentaire prévue d’année en année, s’élèveront à 3 milliards d’euros de plus par an jusqu’en 2027, avant d’être portées à 4,3 milliards d’euros jusqu’en 2030. Le budget annuel de la défense passera ainsi progressivement de près de 43,9 milliards d’euros en 2023 à 47 milliards en 2024, 56 milliards en 2027 (soit la fin de l’actuel quinquennat), et 69 milliards en 2030.

Dans le domaine maritime, le représentant du MINARM cite d’emblée la modernisation de la lutte anti-aérienne avec les missiles Aster 30 et le renouvellement complet des capacités de lutte anti-mines.

Ces dernières semaines avaient été marquées par des rumeurs concernant la mise en œuvre du système de lutte antimines marines futur (SLAMF), et évoquant une future réduction du nombre de frégates de défense et d’intervention (FDI) et de patrouilleurs océaniques. Le ministère annonce que cette LPM ne prévoit pas de « renoncements ». Il n’y aura ainsi pas de révision à la baisse (mais pas non plus à la hausse) des cibles dans les programmes d’armement naval.

Il faut en revanche s’attendre à un étalement dans le temps de certaines livraisons d’équipements. A horizon 2030, certains matériels pourraient ainsi « ne pas arriver en nombre aussi important que prévu dans la LPM précédente ».

S’agissant du porte-avions nouvelle génération (PANG), le cadencement prévu reste inchangé. Le MINARM ne souhaite pas « préempter » de sommes considérables en début de LPM pour ce programme pour ne pas pénaliser le financement d’autres priorités. La mise à l’eau est prévue pour 2036-2037, le « tuilage » (passage de témoin de l’ancien au nouveau porte-avions) avec le Charles de Gaulle aura lieu en 2037-2038.

S’agissant des frégates de défense et d’intervention, la LPM intègre comme à l’accoutumée des hypothèses d’export qui conditionneront en partie le cadencement des bassins de production de Naval Group. Si ces hypothèses devaient ne pas se réaliser, le calendrier de production et de livraison pour les armées pourrait être accéléré ou réorganisé, mais pas dans des proportions majeures. Le MINARM souligne à ce titre la différence de situation par rapport à 2014, lorsque les hypothèses d’export du Rafale conditionnaient la survie de Dassault. Le format de la flotte de frégates reste inchangé à 15, dont 3 FDI, d’ici 2030.

En ce qui concerne les drones navals, le marché n’a pas encore été totalement finalisé : plusieurs options restent ouvertes tant sur les drones sous-marins que sur les drones aériens, l’idée étant d’acquérir rapidement des capacités à moindre coût et de développer des filières françaises.

S’agissant enfin des bâtiments de surface pour la guerre des mines, la cible est fixée à 3 bâtiments d’ici 2030, et 5 d’ici 2035, dans le cadre d’un renouvellement complet des capacités. Cette cible reste ainsi inchangée par rapport à la précédente LPM, avec un décalage de cadencement vers 2035.

Quid enfin des moyens de surveillance et de protection des intérêts ultramarins français ? Le Président de la République fera lui-même des annonces plus précises sur les moyens supplémentaires qui seront alloués à la protection des Outre-Mer et à la stratégie indopacifique de la France. L’annonce par le MINARM qu’il n’y aura pas de renoncement laisse cependant entendre que le nombre de patrouilleurs océaniques déjà prévu ne sera pas revu à la baisse, la LPM devant également prévoir « de nouveaux moyens dronisés ».

La LPM prévoit également de consacrer des moyens à des capacités (robots et drones) d’action dans les fonds marins jusqu’à 6 000 mètres de profondeur, pour y protéger les intérêts français comme les infrastructures, et faire peser au besoin une menace crédible sur des adversaires potentiels.

A défaut d’augmenter substantiellement le format de la Marine nationale ou d’annoncer de nouveaux programmes majeurs, la loi de programmation militaire 2024-2030 sécurise ainsi les ambitions déjà existantes, prévoit d’éventuels ajustements à la hausse, et entend accélérer la modernisation et le « durcissement » (notamment en termes d’acquisition de munitions) des armées.

Aurélien Duchêne

Crédit photo : Naval Group.

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