« J’ai découvert ce site, il y a quinze ans, alors que je cherchais une terre où bâtir une petite maison de vacances dans les environs », a confié l’artiste à l’AFP depuis son atelier new-yorkais, joint par téléphone.
« Je connaissais le coin depuis très longtemps parce que dans mon enfance, mes parents avaient l’habitude de séjourner dans un hôtel de bord de mer des environs où ils profitaient des sources chaudes », raconte-t-il
La Fondation Odawara a ouvert ses portes au public en octobre dernier, soit cinq ans après le début des travaux. « Je l’ai conçue moi-même, c’est à la fois une oeuvre d’architecture et une oeuvre d’art, c’est de l’art conceptuel », souligne-t-il.
C’est au pied de cette colline, « que j’ai vu la mer pour la première fois », poursuit Sugimoto, « nous étions à bord du train reliant Atami à Odawara, j’avais trois ou quatre ans, quand soudain la mer est apparue sous mes yeux à la sortie du tunnel, s’étendant à l’horizon ».
« Ce point de vue est mon plus ancien souvenir d’homme », souligne l’artiste qui aura 70 ans le 23 février, « j’ai intentionnellement ramené mon oeuvre sur les lieux de ma mémoire originelle ».
C’est une zone de vergers et de cultures d’agrumes. « J’ai décidé d’y bâtir finalement ma fondation dont le projet a maintes fois évolué au fil du temps », précise-t-il.
La propriété de Sugimoto Hiroshi, représenté par la galerie américaine Marian Goodman depuis l’an dernier, s’étend sur cinq hectares dont la fondation, adossé au mont Hakone, n’occupe qu’un tiers de sa superficie.
-‘Pas le temps de mourir’-
L’artiste a fait du lieu un écrin de pierres anciennes, certaines provenant de vieux temples japonais et de verre, où il expose certaines de ses propres oeuvres photographiques comme la série « Seascapes » et ses collections d’antiquités nippones.
Un tunnel métallique de 70 m a été conçu de telle sorte que la lumière du soleil levant le traverse pendant le solstice d’hiver et illumine une stèle ancienne à l’autre extrémité.
« Le passage du temps est la clé de mon oeuvre de photographe et d’architecte », souligne-t-il. Elle explique aussi sa passion des vieilles pierres et des fossiles que l’on découvre à Odawara. « J’en possède six fois plus ».
A l’instar de cette pierre issue des ruines du temple Hôryû-ji datant du VIIe siècle, ce sont des pièces rares, « qui ne se trouvent pas dans des boutiques », dit-il, « elles viennent à moi, je ne peux l’exprimer autrement ».
« Je compte ouvrir une deuxième section d’ici l’an prochain », annonce le plasticien, « je veux doubler la taille d’Odawara chaque année ».
La fondation d’art Odawara est « le dernier acte de mon existence, de mon oeuvre et de mes collections », ajoute-t-il, « je bâtis le tombeau qui célèbrera ma vie d’artiste, c’est ma pyramide ! ».
Les lieux sont conçus pour rendre hommage à l’histoire et la culture du Japon dont l’artiste est passionné. Une petit théâtre antique cerne une scène fabriquée en verre optique en plein air, « dédiée à des pièces de Nô dont la production théâtrale est un élément important de la fondation », fait valoir l’artiste.
« L’opéra Garnier me fait l’honneur de m’inviter à mettre en scène le ballet +At the Hawk’s Well+ qui ouvrira la saison » 2018-2019, se félicite l’artiste en riant, « voyez, j’ai trop à faire, je n’ai pas le temps de mourir ! ».