La commission des affaires économiques du Sénat a auditionné, le 16 décembre 2020, Benoît Potier, président‑directeur général d’Air Liquide, sur le développement d’une filière française de l’hydrogène.
En préambule, le PDG a appelé à mieux intégrer l’hydrogène dans notre stratégie énergétique nationale : « La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) doit‑elle prendre davantage en compte l’hydrogène ? Oui, je le pense. Il faut faire entrer l’hydrogène comme une énergie à part entière dans le mix de la France. » Il a identifié l’électricité nucléaire comme une source décarbonée de premier plan dans la production d’hydrogène : « À partir du moment où nous disposons d’une capacité de production d’électricité sans CO2, utilisons‑la ! Ce n’est pas antinomique avec une stratégie de long terme posant la question de la place de l’énergie nucléaire. Je suis très clair là‑dessus, en tant qu’ingénieur et industriel : quand on dispose de capacités, il faut les utiliser. Je n’ai aucun problème sur ce sujet et pense que la France devrait en faire un atout. On peut même aller plus loin, quitte à être iconoclaste : objectivement et franchement, si l’on peut utiliser des centrales nucléaires que l’on veut arrêter – alors qu’elles peuvent encore fonctionner ! – pour faire de l’électricité, qui serait convertie en hydrogène puis serait stockée, pourquoi s’en priver ? Si le but final est celui de la préservation de la planète, il faut mettre en œuvre les moyens optimaux. »
Le PDG a également plaidé pour localiser la « chaîne de valeur » de l’hydrogène en France et en Europe : « Il nous faut une vraie réflexion sur « où est la valeur ? » et « comment l’orchestre-on ? » Le pire serait de reproduire l’erreur que l’Europe a faite sur les panneaux solaires, c’est‑à‑dire de subventionner le développement de technologies mondiales sans en avoir le retour par une captation de la valeur. »
Enfin, il a insisté sur l’intérêt des capacités de stockage de l’hydrogène pour notre indépendance énergétique : « Sur le plan de la souveraineté, si la France dispose de capacités de stockage stratégiques, on peut envisager qu’une partie de notre indépendance passe par une bonne gestion de l’énergie. La seule façon de stocker l’énergie, c’est actuellement d’utiliser l’eau des barrages. Si l’on construit « le barrage du XXIe siècle », c’est‑à‑dire le réservoir d’hydrogène, nous disposerons d’un second mode de stockage. »
À l’issue de cette audition, les commissaires ont appelé le Gouvernement à traduire en actes les annonces faites en matière d’hydrogène.
Pour Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie », « l’hydrogène constitue un vecteur énergétique de tout premier plan pour relancer notre économie en accélérant sa décarbonation. Il permet de remplacer les énergies fossiles dans les secteurs traditionnels de notre économie, tels que l’industrie ou les transports, mais aussi de stocker l’électricité, ce qui est indispensable à l’essor des énergies renouvelables intermittentes. C’est pourquoi notre commission a souhaité le promouvoir, sur le plan des objectifs, dans le cadre de la loi ″Énergie‑Climat″, mais aussi des moyens, à l’occasion de son plan de relance et des derniers exercices budgétaires. Si les récentes annonces du Gouvernement vont dans le bon sens, certaines sont tardives et modestes ; toutes doivent être rapidement et effectivement suivies d’effet. »
Pour Sophie Primas, présidente de la commission, « il y a urgence à développer la filière française de l’hydrogène, faute de quoi nous serons durablement dépassés par nos concurrents asiatiques mais aussi par nos partenaires européens. Les atouts de la France ne manquent pas dans ce domaine, à commencer par une énergie nucléaire, largement décarbonée, qui peut permettre d’en massifier la production. Nous devons aujourd’hui transformer l’essai, en appliquant les objectifs législatifs, en déployant par étapes des moyens budgétaires et en apportant des souplesses administratives dans un calendrier allant jusqu’à 2050. C’est à ces conditions que nous pourrons construire une « chaîne de valeur″ dans ce secteur, pourvoyeuse d’emplois peu délocalisables dans nos territoires. L’hydrogène est une opportunité stratégique pour massifier et accélérer la décarbonation dans l’industrie et les transports lourds tels que les camions, le fret, les autocars, les autobus, et le train. »
Convaincue de l’intérêt de l’hydrogène pour favoriser notre transition énergétique et conforter notre souveraineté énergétique, la commission évaluera la mise en œuvre de la stratégie du Gouvernement dans ce domaine, dans le cadre de ses travaux de contrôle de l’application de la loi « Énergie‑Climat » et de la PPE.
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