« Aujourd’hui, c’est une bonne pêche, on a ramené 60 kg », se réjouit Michael Villars, 30 ans, en présentant ces gastéropodes marins (« haliotis tuberculata » de leur nom scientifique) dans leur coquille ovale. D’au moins 9 cm de diamètre, taille minimum autorisée, tous sont munis de leur bague orange.
Avec son collègue Emmanuel Urvoy, ils vont chaque jour traquer leurs proies accrochées aux rochers, en baie de Paimpol, jusqu’à une dizaine de mètres de profondeur. « On fait trois bouteilles (de plongée) chacun » par sortie, soit environ trois heures trente sous l’eau, précise-t-il.
« L’ormeau est un +brouteur+, il a besoin d’algues. En dessous de dix mètres, il n’y a plus d’algues. Donc, il ne descend pas davantage », explique Emmanuel Urvoy.
Depuis 1996 cette pêche, localisée essentiellement sur les côtes nord de la Bretagne, est strictement règlementée, y compris pour les amateurs, et se pratique exclusivement en plongée pour les professionnels.
« On accorde des licences chaque année par navire et par zone pour s’adapter au mieux à la ressource », avec des quotas maximum par bateau, explique Julien Dubreuil, du comité régional des pêches de Bretagne. En 2018, seules 24 licences ont été délivrées pour un tonnage maximum autorisé de 60 tonnes sur l’ensemble de la saison.
« C’est une pêche qui reste sportive et se pratique de la mi-septembre à la mi-juin pour permettre la reproduction en été », souligne-t-il.
Ce qu’apprécient les amateurs dans l’ormeau, c’est sa chair blanche, en fait son muscle, riche en protéines, dont la forme est comparable à un petit steak reposant dans sa coquille nacrée. S’il fait le régal des gastronomes, son principal ennemi est son prix: aux Viviers de Saint-Marc, à Tréveneuc (Côtes d’Armor), approvisionnés directement par des pêcheurs, il se vend à 39,90 euros le kilo en cette fin de semaine.
– « Enormément de demandes » –
L’ormeau d’élevage est encore plus cher. Vendu sans restriction de taille – donc plus petit -, il a, par définition, nécessité de lourds investissements pour arriver à maturité: 69,90 euros le kilo en promotion dans une grande surface en Bretagne pour les fêtes de fin d’année! Mais les prix s’enflamment aussi pour l’ormeau sauvage. « Il y a énormément de demandes et peu d’offres », constate Raphaël Lhotellier, l’un des dirigeants des Viviers. « On est à 45/50 euros à l’arrivée chez les grossistes ».
Même si ça reste encore marginal, l’ormeau breton s’exporte parfois, en particulier vers l’Asie, Japon et Chine en tête. « Nous avons un client chinois. Il fait de l’ormeau du monde entier et il voulait à sa carte de l’ormeau français », explique M. Lhotellier.
Les premières expéditions ont rencontré quelques difficultés mais « on a trouvé un moyen d’optimiser ces envois » qui ne supportent pas d’à peu près, dit-il. « On met quasiment 48 heures entre les Viviers et Hong Kong », explique le professionnel, ce qui nécessite de sélectionner les ormeaux les plus « dynamiques ».
Quant aux restaurateurs, « nos plus fidèles abonnés savent très bien qu’il ne faut pas mettre d’ormeaux à leur carte en septembre/octobre ni en fin de printemps (…) C’est un produit très sensible », assure M. Lhotellier.
Contrairement à la fin de l’année, au début de l’automne, « il n’a pas encore eu le temps de se reconstituer en graisse. C’est un peu comme une côte de boeuf sans graisse, il manque quelque chose… », confie Raphaël Lhotellier qui compte parmi ses clients de grandes tables étoilées.
Méconnu du grand public, l’ormeau nécessite parfois d’être attendri avant sa consommation. Julien Dubreuil le recommande « à la poêle, découpés en dés et en persillade », après l’avoir attendri en le laissant reposer dans l’eau de mer au réfrigérateur pendant trois jours.