Encore loin du « zéro déchet », les Sénégalais mènent la lutte contre les ordures

Des déchets en plastique à perte de vue et des poissons en état de décomposition qui jonchent le rivage. C’est le visage que présente la baie de Hann, longue plage de sable en bordure de l’Atlantique, mais aussi l’une des zones les plus polluées de la capitale sénégalaise.

Munis de gants, de pelles et de sacs poubelles, une cinquantaine de jeunes ayant répondu ce samedi matin à l’appel de l’association Sénégal Entraide s’affairent à la toiletter.

« Chaque citoyen ne doit pas demander ce que sa commune a fait pour lui, mais lui, qu’est-ce qu’il peut faire pour sa commune », lance le président de l’association, Mahmoud Sy, paraphrasant le président américain John Fitzgerald Kennedy lors de son discours d’investiture en janvier 1961.

Lors de sa prestation de serment pour un second mandat le 2 avril, le président Macky Sall a souhaité faire du Sénégal un pays « zéro déchet », alors que les champs de sachets en plastique fleurissent aux abords des villes et villages sénégalais. Le chef de l’Etat n’a pas fixé d’échéance, ni précisé comment y parvenir, mais le plan a commencé à être débattu au niveau local, selon des responsables.

A Dakar, la collecte des ordures est en principe assurée par les pouvoirs publics. Mais le taux de ménages desservis par les camions de l’Unité de coordination et de gestion des déchets solides (UCG) n’est que de 86%, selon le coordinateur de l’UCG dans la capitale, Lamine Kébé. Ce taux est même beaucoup plus faible dans certains quartiers, notamment dans les banlieues dont les ruelles encombrées sont difficiles d’accès pour les camions.

A côté des journées de nettoyage organisées ponctuellement par des associations comme Sénégal Entraide, mais aussi Bon Vivre Sénégal ou Save Dakar, des habitants ont lancé de petites affaires dans le secteur informel et ramassent les sacs poubelles des habitants éloignés des grands axes, contre rémunération.

– Coins et recoins –

Chaque jour, les charrettes tirées par des ânes ou des chevaux de l’un de ces petits entrepreneurs, Ma Niang Dieng, sillonnent les ruelles de Rufisque, ville portuaire et industrielle de la banlieue de la capitale.

« Il y a beaucoup de sable. Les routes ne sont pas praticables. C’est surtout dans ces zones que nous travaillons. Sur la route, les camions de l’UCG viennent prendre. Mais c’est dans les coins et recoins que nous intervenons la plupart du temps », a expliqué M. Dieng à l’AFP. Juché sur un monticule d’ordures, il surveille les va-et-vient de ses jeunes employés chargés d’acheminer les ordures jusqu’au dépotoir du quartier, où un camion de l’UCG les transportera jusqu’à la décharge de la ville.

Pour ce service, les habitants payent en moyenne une cotisation mensuelle de 1.500 francs CFA (2,25 euros), « ce qui n’est pas cher », estime un directeur d’école de Rufisque, Moustapha M’Baye. Les charretiers sont quant à eux rémunérés environ 55.000 francs CFA (84 euros) par mois, selon M. Dieng.

Ces initiatives privées sont bien accueillies par l’UCG, qui prend en charge quelque 2.400 tonnes d’ordures par jour dans le grand Dakar, dont la population dépasse les 3 millions d’habitants, selon M. Kébé.

« Nous n’avons pas toutes les ressources humaines et matérielles pour nous déployer à l’échelle de chaque commune. Donc, quand une association accompagne le processus, on ne peut que la féliciter », estime le coordinateur de l’UCG.

Mais pour le responsable, la lutte contre l’insalubrité et la réussite du plan « zéro déchet » passeront également par un changement des mentalités. « Nous balayons, nous collectons, mais deux minutes après, c’est comme si rien n’était fait », regrette M. Kébé.

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