Au lever du soleil, Guy Pernin et une dizaine de collègues traînent un filet dans un étang aux trois-quarts vide. Il faut récupérer les poissons agglutinés dans un résidu de moins d’un mètre d’eau avant qu’il ne soit trop tard.
« On a fait une pêche de sauvetage. On a réussi à sauver 150 kg de poisson sur un étang de 15 hectares, qui représente normalement une production de 4 à 5 tonnes chaque année », déplore ce collecteur négociant des étangs de Grand-Béron, au Plantay.
Avec une pluviométrie capricieuse et une évaporation accentuée par les fortes chaleurs, la sécheresse se fait durement sentir dans les plus de 1.100 étangs de la Dombes, dont la profondeur ne dépassent traditionnellement pas deux mètres.
– 34 degrés dans l’eau –
Une mauvaise nouvelle pour les carpes, gardons, rotengles, tanches, brochets, et parfois les sandres pêchés ici à l’automne.
Au total, un tiers des étangs ne produiront rien et un autre tiers sont dans une situation délicate, selon Stéphane Mérieux, président du Syndicat des étangs de la Dombes et pisciculteur à Chalamont.
Résultat: une production attendue en baisse d’au moins 30% par rapport aux 800 tonnes de l’an dernier, anticipe Sylvain Bernard, conseiller piscicole à la Chambre d’agriculture de l’Ain.
Cette situation rappelle la sécheresse de 2015 ou 2017 mais cette fois le manque d’eau se combine aux vagues de fortes températures.
« C’est très critique, il y a très peu d’eau dans les étangs, déjà parce qu’il n’a pas beaucoup plu, et puis en plus il fait trop chaud, la canicule, c’est vraiment quelque chose qui remonte les degrés dans l’eau. Là on arrive jusqu’à 34, donc après le poisson il a trop chaud, il est asphyxié », explique Michèle Josserand, pisciculteur à La Chapelle-du-Châtelard.
« Même si on met des aérateurs dans les étangs pour la nuit pour ramener de l’oxygène dans l’eau, ça ne suffit plus », s’alarme-t-elle.
« La pluie est tombée en quantité cette année mais pas au bon moment », précise M. Bernard. « Normalement c’est entre octobre et avril, mais là c’est principalement tombé en mai et juin, donc l’eau est absorbée en quantité par la végétation ».
« Et puis sur des étangs qui ne sont pas pleins, la canicule fait que l’eau chauffe davantage et elle ne refroidit pas assez la nuit », poursuit-il.
– Aubaine pour les oiseaux –
Sans parler des prédateurs (hérons, cormorans, aigrettes et cigognes), qui trouvent des poissons à portée de bec dans des étangs à sec.
« Quand vous avez 20 centimètres d’eau sur une grande partie de l’étang, il y a pas de problème, les piscivores peuvent se poser, ils se servent », note Mme Josserand.
En 2017, le département de l’Ain et la région Auvergne-Rhône-Alpes avaient chacun déboursé 200.000 euros pour soutenir la filière.
« Ils nous ont prévenu qu’après il faudrait se débrouiller seuls, mais on va quand même essayer d’obtenir quelque chose », avance M. Bernard.
Il existe peu de solutions pour remédier au manque d’eau sur le long terme, les forages étant notamment interdits aux pisciculteurs, mais la Chambre d’agriculture tente au moins de promouvoir de bonnes pratiques.
« On encourage les exploitants à mieux gérer l’eau, à entretenir les fossés d’écoulement, à s’entendre pour coordonner les vidanges. On envisage aussi d’augmenter la fréquence des assec (assèchement volontaire de certains étangs, ndlr) », explique M. Bernard.
Car si l’enjeu est important pour les 200 pisciculteurs propriétaires et les cinq entreprises qui se partagent le marché de la collecte, il est aussi écologique, les Dombes constituant la zone humide la plus importante d’Europe en termes de biodiversité.