A Saint-Malo, le blocage a duré environ une heure, de 8H00 à 9H00, a constaté une journaliste de l’AFP, avec une dizaine de bateaux de pêche participant à l’opération, actionnant des fumigènes. En raison du mauvais temps, il n’y avait pas de ferry reliant l’Angleterre à la cité corsaire.
Les navires français ont bloqué un bateau de pêche venant de Jersey. Signe de l’ambiance bon enfant, le capitaine d’un bateau a offert un pavillon français et breton au capitaine du bateau de Jersey qui l’a hissé en haut du mat.
« Quand l’Europe et le gouvernement ne mettent pas des menaces à exécution, au bout d’un moment on est obligé de reprendre la main parce qu’autrement on a l’impression qu’on n’arrivera à rien. On n’est pas des va-t-en guerre, on veut qu’on respecte nos droits, un deal a été fait, le deal anglais n’est pas respecté », a déclaré Pascal Leclerc, président du comité des pêches d’Ille-et-Vilaine, interrogé à bord par l’AFP.
Des bateaux ont prévu de bloquer l’entrée de ferries venant de Grande-Bretagne dans deux autres ports de la Manche française: Ouistreham, puis Calais.
Dans l’après-midi, c’est à bord de leurs camionnettes que les marins-pêcheurs ont prévu de bloquer, de 14H00 à 16H00, l’accès des camions de marchandises au terminal fret du tunnel sous la Manche.
« Nous ne voulons pas l’aumône, nous voulons seulement récupérer nos licences. Le Royaume-Uni doit respecter l’accord post-Brexit. Trop de pêcheurs sont encore sur le carreau », a déclaré jeudi Gérard Romiti, le président du comité national des pêches lors d’une conférence de presse.
Symbolique à l’entrée des ports – où la houle ne permettra peut-être pas toutes les actions prévues -, l’initiative est plus menaçante aux abords du tunnel, par lequel transitent 25% des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et l’Europe.
Londres a bien reçu le message et réagi dès jeudi soir, se disant « déçu » par ces « menaces de protestation » et enjoignant la France à « s’assurer que des actes illégaux ne sont pas commis et que les échanges commerciaux ne sont pas affectés ».
– « L’arbre qui cache la forêt » –
L’objectif est de bloquer « les exportations (…) vers l’Angleterre, pour atteindre la population britannique et faire prendre conscience de ce qui se passe. Ils ont accès au marché européen et nous toujours pas à leurs eaux », a expliqué Olivier Leprêtre, président du comité des pêches des Hauts-de-France.
C’est une « action coup de poing pour faire voir de quoi on est capable mais s’il faut aller plus loin, on visera d’autres produits », a-t-il ajouté, précisant que le mot d’ordre était « de laisser passer les passagers et de bloquer le fret ». Pour le président du comité national, « cette question des licences est l’arbre qui cache la forêt: de sa résolution dépendront les relations avec le Royaume-Uni sur le long terme ».
Tout en questionnant la robustesse de l’engagement européen aux côtés des pêcheurs de l’UE, Gérard Romiti a salué « l’ultimatum » lancé mercredi par la Commission européenne, qui a demandé à Londres de régler ce contentieux d’ici au 10 décembre.
En vertu de l’accord de Brexit signé fin 2020 entre Londres et Bruxelles, les pêcheurs européens peuvent continuer à travailler dans les eaux britanniques à condition de pouvoir prouver qu’ils y pêchaient auparavant. Mais Français et Britanniques se disputent sur la nature et l’ampleur des justificatifs à fournir.
Au total, depuis le 1er janvier 2021, la France a obtenu « plus de 960 licences » de pêches dans les eaux britanniques et des îles anglo-normandes, mais Paris réclame encore plus de 150 autorisations, selon le ministère français de la Mer.
Dans ce dossier brûlant, le ton est monté à plusieurs reprises. En mai dernier, une flottille française a fait cap sur Jersey pour un blocus de quelques heures, entraînant l’envoi de patrouilleurs britanniques. A l’automne, Paris a menacé Londres de « mesures de rétorsion », avant d’y renoncer provisoirement pour laisser une chance aux négociations engagées à Bruxelles.
Les pêcheurs français se sentent aujourd’hui confortés par le soutien renouvelé dimanche dernier du président Emmanuel Macron et de sa ministre de la Mer Annick Girardin, qui ont assuré qu’ils se battraient jusqu’au bout pour défendre leurs intérêts.