L’OMC est la première organisation internationale à Genève à faire les frais de la cinquième vague de la pandémie de Covid-19. Les regards se tournent désormais vers l’Organisation mondiale de la santé (OMS), dont les 194 membres doivent débattre pendant trois jours la semaine prochaine d’un éventuel traité pandémique.
La tenue de deux autres grandes réunions – l’une sur la finance durable, l’autre sur les systèmes d’armes létales autonomes – pourrait également être mise en péril, suite aux mesures de restrictions aux voyages annoncées par la Suisse pour faire face à l’apparition du nouveau variant du coronavirus Omicron, rendant impossible la venue de nombreuses délégations à Genève.
Il a été classé « préoccupant » par l’OMS quelques heures avant le report de la ministérielle.
La ministérielle, qui devait réunir du 30 novembre au 3 décembre au siège de l’organisation environ 4.000 participants, dont des chefs d’Etat et plus d’une centaine de ministres, aurait dû se tenir au Kazakhstan en juin 2020, mais avait déjà été reportée suite à l’apparition des premiers cas de Covid-19 fin 2019.
La réunion ministérielle « a été reportée, et tous les membres ont soutenu la décision », a tweeté Anabel Gonzalez, directrice adjointe de l’organisation, confirmant l’information qu’une source diplomatique avait donnée à l’AFP.
L’ambassadeur britannique Simon Manley a qualifié de « sage » le report, tandis que l’ambassadeur européen auprès de l’OMC, João Aguiar Machado, a reconnu que « ce n’était pas un choix facile, mais la bonne décision ».
La relative accalmie de la pandémie ces derniers mois en Europe avait permis de croire en la tenue de la réunion. Mais la montée en puissance de la cinquième vague de l’épidémie dans le monde et l’apparition du variant Omicron a douché ces espoirs.
– « Mauvais exutoire » –
Il s’agissait de la première ministérielle de la directrice générale, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, arrivée en mars, dont tout le monde salue depuis la volonté sans relâche de redonner une visibilité à l’OMC, dans un contexte de crise et de rivalités croissantes entre les deux premières puissances économiques mondiales: la Chine et les Etats-Unis.
Ce premier test de la réalité de son influence était d’autant plus important que la précédente ministérielle de Buenos Aires s’était achevée fin 2017 sans accord significatif. Depuis, les dossiers se sont empilés.
De nombreux observateurs jugeaient difficile que les 164 membres de l’OMC puissent conclure des accords d’envergure durant cette 12e ministérielle de l’OMC, notamment sur la pêche et la question des droits de propriété intellectuelle pendant la pandémie. Mais beaucoup gardaient l’espoir que la réunion permette au moins de débloquer les discussions.
« Une conférence ministérielle offre la possibilité de trouver des solutions politiques à des questions pour lesquelles les solutions techniques ne suffisent pas à elles seules », a réagi auprès de l’AFP Dmitry Grozoubinski, directeur de l’organisation Geneva Trade Platform.
Cette conférence devait en outre intervenir alors que l’OMC – où les décisions sont prises par consensus – a perdu en pertinence faute de pouvoir conclure des accords majeurs et régler des désaccords entre certains membres et la Chine.
De plus, le principal instrument pour régler les différends entre ses membres – l’organe d’appel – est paralysé faute de juges. L’administration du président américain Joe Biden s’est dite prête à le relancer après le blocage des années Trump, mais sans proposition concrète.
« Il y avait peu d’optimisme sur l’issue des négociations de ces prochains jours, mais cette suspension est un mauvais exutoire et empêche de souligner que le non-engagement des Etats-Unis encourage l’inertie d’une difficile réforme de l’OMC », a affirmé Elvire Fabry, chercheuse en charge de la politique commerciale à l’Institut européen Jacques Delors, à l’AFP.