Les candidats avaient jusqu’à lundi midi pour déposer leur offre, sous pli cacheté, au greffe du tribunal de commerce de Bobigny (Seine-Saint-Denis), chargé de la liquidation du Groupe Bernard Tapie (GBT), la holding de l’ancien président du club de football de l’Olympique de Marseille.
A la veille de l’ouverture des enveloppes, prévue mardi à 14h00, deux candidats se sont officiellement fait connaître.
La CMA-CGM, géant mondial du transport maritime basé à Marseille, avait confirmé dès vendredi sa candidature à la reprise du principal groupe de presse du sud-est de la France, via une déclaration de son patron, Rodolphe Saadé, à l’AFP.
L’entrée en lice de NJJ, la holding de Xavier Niel, a elle été confirmée lundi à l’AFP, par M. Niel lui même. Le fondateur de Free Telecom, qui détient les 11% restants de La Provence, via NJJ, est aussi actionnaire du Monde à titre individuel, ainsi que propriétaire du quotidien régional Nice-Matin, toujours via NJJ.
A l’issue d’un premier appel d’offres, le 30 novembre, seuls la CMA-CGM et NJJ étaient entrées en lice, la candidature de la Dépêche du Midi, un temps évoquée, ne s’étant pas concrétisée.
Mais ces deux offres n’ont jamais été ouvertes, le juge commissaire du tribunal de commerce de Bobigny ayant lancé un nouvel appel d’offres, le 1er février. Un second liquidateur avait également été nommé, pour épauler le titulaire initial.
Ce big bang procédural est la conséquence du « droit d’agrément » négocié entre Bernard Tapie et Xavier Niel, qui offre un droit de veto à ce dernier sur l’entrée d’un nouvel actionnaire. Le patron d’Iliad/Free dispose subsidiairement d’un droit de préemption qui lui donne la possibilité d’emporter un appel d’offres en s’alignant sur la meilleure offre parmi ses concurrents.
– « L’impression d’être méprisés » –
Pour le premier liquidateur, ces clauses auraient pour conséquence de fausser le jeu de la concurrence. Un avis partagé par le tribunal de commerce de Marseille qui, le 11 janvier, a suspendu ce pacte d’actionnaires. Xavier Niel a aussitôt fait appel. Réponse le 28 mars devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence.
Inquiets de voir ce dossier s’enliser dans des recours judiciaires, les salariés du groupe craignent également une casse sociale.
« On a l’impression d’être méprisés, que le volet social a totalement été mis de côté, que l’avenir des 850 salariés du groupe, on s’en fout », a dénoncé Jérôme Lorant, élu FO et secrétaire du comité social et économique (CSE).
« Cela fait déjà des années que les salariés sont pris en otages par les affaires judiciaires de Bernard Tapie, qui ont bloqué tout investissement. On a besoin de sortir de cette impasse », a résumé Audrey Lettelier, déléguée SNJ.
Dans sa déclaration vendredi, Rodolphe Saadé a assuré avoir « entendu l’appel des salariés », affirmant que sa nouvelle offre « inclura un prix mais aussi un projet, avec des engagements précis de garantie de l’emploi, des statuts et le maintien des activités à Marseille et en Corse », où le groupe possède le quotidien Corse Matin.
Fort de son pacte d’actionnaires, NJJ avait expliqué aux syndicats, dans le cadre du premier appel d’offres, qu’il entendait racheter le groupe, estimé à 40 millions d’euros, à valeur d’expert, et créer une imprimerie commune avec Nice Matin.
Pour le SNJ, quel que soit le repreneur, il sera en tout cas impératif que la nomination du ou de la futur(e) responsable de la rédaction soit soumise au vote des journalistes pour garantir autant que possible la liberté éditoriale.
Créé en 1997 à Marseille, La Provence, qui rayonne sur les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse et les Alpes-de-Haute Provence, a subi une baisse régulière de sa diffusion, passant d’environ 100.000 exemplaires vendus quotidiennement en 2017 à 75.000 aujourd’hui. La diffusion payée de Corse Matin est de 25.000 exemplaires quotidiens en moyenne.
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