Bruxelles inflige un nouveau coup dur à la SNCM, qui devra rembourser près d’un-demi milliard d’euros

La Commission, gardienne de la concurrence en Europe, a annoncé deux décisions: elle a décidé de saisir la justice contre la France qui n’a pas récupéré 220 millions d’aides accordées à la SNCM et qu’elle considère comme illégales. Et elle a rajouté 220 millions supplémentaires à rembourser.

Au total, la somme dépasse de loin le chiffre d’affaires de la compagnie qui dessert la Corse, estimé à quelque 300 millions d’euros, pour 14 millions d’euros de pertes en 2012.

La première partie de la décision concerne des aides, pour un montant de 220 millions, versées par la collectivité territoriale de Corse et considérées comme incompatibles avec les règles européennes de la concurrence en mai 2013.

Bruxelles estime qu’elles ne répondent à aucun besoin de service public car elles concernent le « service complémentaire » pendant la saison touristique. Cela crée, selon elle, une distorsion de concurrence car des opérateurs privés assurent le même service sans aide publique.

Ces aides « devaient être recouvrées auprès de la SNCM dans les quatre mois. Plus de six mois après, la France n’a toujours pas mis en oeuvre cette décision », explique la Commission dans un communiqué.

La France et la SNCM ont déposé un recours devant le tribunal de l’UE pour contester la décision, mais il n’a pas d’effet suspensif.

Si un État membre ne met pas en oeuvre une décision de récupération, la Commission peut saisir la Cour de justice –ce qu’elle a fait mercredi– et si un État ne respecte pas la décision de la Cour, il est passible de pénalités.

En outre, la Commission européenne estime que la SNCM, qui se débat dans des difficultés financières sans fin, a bénéficié de 220 autres millions d’euros d’aides d’État illégales, que Paris devra aussi récupérer.

Privatisation remise en cause ?

Il s’agit de sommes accordées sous différentes formes dans le cadre de la restructuration et de la privatisation de la compagnie, qui avaient dans un premier temps été acceptées par Bruxelles.

Ces aides ont ensuite été invalidées par la justice européenne et la Commission était tenue de prendre une nouvelle décision.

Dans un communiqué, les avocats de la compagnie ont estimé que cette décision « remet directement en cause les conditions » de la privatisation, en 2006, de la compagnie et qu' »en allant au bout de la logique de la Commission (…) la SNCM redeviendrait donc une compagnie nationale détenue à 100% par l’Etat », l’accord de privatisation étant caduc en raison d’une clause résolutoire prévoyant ce cas de figure.

Le gouvernement français a réaffirmé dans un communiqué sa « détermination à préserver le maintien du service public de la continuité territoriale entre la Corse et le continent et les emplois qui y sont attachés ».

La double décision de Bruxelles va lourdement peser sur l’avenir de la SNCM, déjà très incertain et qui fait l’objet d’âpres tractations entre la Caisse des dépôts, Veolia environnement, l’État et la collectivité territoriale de Corse.

Le capital de la SNCM est détenu à 66% par Transdev, coentreprise de transport collectif, le géant de l’eau et des déchets Veolia et la Caisse des dépôts, à 25% par l’État et à 9% par les salariés.

Veolia et la Caisse des dépôts auraient dû sceller au plus tard le 31 octobre un accord qui prévoyait le transfert à Veolia des 66% de la SNCM détenus par Transdev. Veolia serait ainsi devenu le nouvel actionnaire majoritaire de la compagnie. Mais les difficultés de la SNCM ont fait capoter l’accord.

Veolia a fait comprendre clairement qu’il était inutile de se tourner vers lui pour régler les lourdes dettes de la compagnie basée à Marseille.

« La SNCM est une société autonome. Il n’y a aucun engagement ni de Transdev, ni de Veolia, encore moins naturellement de l’État qui est aussi actionnaire de la SNCM, ni de la Caisse des Dépôts qui est actionnaire indirect de Transdev. Il n’y a aucun engagement de tous ces +sponsors+, ni aucune solidarité sur les dettes de la SNCM », a déclaré le 7 novembre Pierre-François Riolacci, directeur financier de Veolia.

Mardi, le président de la Caisse des dépôts, Henri Emmanuelli, a souligné à son tour que celle-ci n’avait « pas vocation à être actionnaire de la SNCM ».

La collectivité territoriale de Corse avait fait savoir à Veolia qu’elle pourrait se retourner vers lui pour récupérer les 220 millions d’euros d’aides si la compagnie s’avérait insolvable. De son côté, la SNCM réclame à la Corse 65 millions d’euros d’impayés.

cel-jul-tlg/dro/cj

VEOLIA ENVIRONNEMENT

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