Les deux pays doivent annoncer formellement un accord pour se partager l’île Hans, au large du nord-ouest du Groenland, et créer ainsi la première frontière terrestre entre le Canada et l’Europe, lors d’une cérémonie de signature à Ottawa à laquelle participent la ministre canadienne des Affaires étrangères et son homologue danois.
Dans une impasse bénine depuis 49 ans, le conflit verra donc l’île en forme de rein divisée en deux et l’accord entre Ottawa et Copenhague brandi en modèle de résolution des litiges territoriaux à travers le monde.
« L’Arctique sert de phare à la coopération internationale, où l’état de droit prévaut », a déclaré la ministre des Affaires étrangères canadienne Mélanie Joly.
« Alors que la sécurité mondiale est menacée, il n’a jamais été aussi important pour les démocraties comme le Canada et le Danemark de travailler ensemble, aux côtés des peuples autochtones, pour résoudre nos différences en accord avec le droit international », a-t-elle affirmé.
L’île Hans, d’une superficie d’1,3 km2, est située entre l’île d’Ellesmere dans le nord du Canada, et le Groenland, territoire danois. Le différend remonte à 1973 quand une frontière maritime a été tracée entre les deux pays.
Les Danois et les Canadiens se sont rendus à tour de rôle par hélicoptère sur l’île pour revendiquer le territoire, menant à des protestations diplomatiques, des campagnes en ligne, et même des appels au Canada à boycotter les viennoiseries danoises.
– Whisky ou schnapps –
Au cours de ces visites, chaque camp plantait un drapeau et laissait derrière lui une bouteille de whisky ou de schnapps à destination de l’autre partie.
Couverte de neige, l’île est inhabitable, mais les effets du changement climatique amènent toujours plus de circulation maritime dans l’Arctique et l’ouvrent à davantage d’exploitation de ses ressources notamment halieutiques.
Selon l’expert de l’Arctique Michael Byers, l’île est cependant « si extraordinairement éloignée qu’il n’est pas rentable d’y envisager toute activité sérieuse ».
Repousser sine die toute résolution à ce conflit inhabituel a longtemps représenté une bonne opportunité d’effets de manche politiques pour chacune des parties, notamment en amont d’élections.
« C’était un différend de souveraineté entièrement dépourvu de risque, entre deux alliés de l’Otan, autour d’une île minuscule et sans importance », explique ainsi à l’AFP Michael Byers.
Le Danemark craignait également que perdre cette bataille à propos de l’île Hans saperait ses relations avec le Groenland tandis que le Canada s’inquiétait qu’une défaite affaiblirait ses positions de négociation avec les Etats-Unis dans un différend cette fois-ci bien plus conséquent, en mer de Beaufort (nord-ouest du Canada), réputée riche en hydrocarbures.
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau « n’a pas fait de la souveraineté de l’Arctique une composante de son identité » politique, selon Michael Byers, ce qui a permis de « réduire la température », au moins du côté canadien.
« Mais de manière plus importante, la Russie a envahi l’Ukraine, et cela a crée le moment opportun pour dire au monde que les pays responsables s’entendaient sur leurs conflits territoriaux de manière pacifique », a-t-il ajouté.