Sur le marché Euronext mercredi, la tonne de blé tendre s’échangeait sous la barre symbolique des 250 euros, un plus bas depuis l’automne 2021, « s’inscrivant maintenant sur des niveaux sous les coûts de production pour la prochaine campagne dans de nombreux cas », souligne le cabinet d’analyse Agritel. Entraîné par le blé, le maïs se vendait sous les 244 euros la tonne en séance.
A la Bourse de Chicago, la tendance était aussi baissière, bien que moins marquée. Le cours du maïs est notamment soutenu par la demande chinoise, qui a commandé plus de 2,2 millions de tonnes de grain jaune américain depuis le 14 mars.
En maïs, « les prix américains sont très compétitifs par rapport à l’Amérique latine alors que le Brésil se concentre sur les exportations de soja », indique Jack Scoville, analyste chez Price Futures Group, rappelant que le Brésil est confronté à des retards de semis de maïs safrinha (la plus importante récolte) du fait des pluies.
Les analystes soulignent une situation paradoxale, où le marché mondial des grains néglige le risque politique alors qu’il existe une très forte confusion autour de l’accord sur le corridor céréalier ukrainien. Cet accord, dont le devenir a piloté les marchés pendant des mois, a été prolongé samedi pour 60 jours au lieu des 120 prévus dans le texte initial signé entre Moscou, Kiev, la Turquie et l’ONU.
« La psychologie baissière du moment est l’exact inverse de ce que l’on constatait l’année dernière, où la moindre nouvelle contribuait à la hausse des cours, dans le contexte de la guerre en Ukraine », constate Sébastien Poncelet, analyste chez Agritel.
Le marché du blé est très marqué par l’abondance de l’offre de la mer Noire, et la forte concurrence à l’oeuvre entre offres ukrainienne, russe et est-européenne.
Lundi, face à la bronca des cultivateurs de l’est de l’UE, la Commission européenne a même annoncé vouloir puiser dans sa réserve de crise pour soutenir les agriculteurs polonais, roumains et bulgares, déstabilisés par l’afflux d’importations agricoles ukrainiennes, favorisées par la levée des droits de douane décidée après l’invasion russe.
– « Turbulences bancaires » –
« Le marché se focalise à présent davantage sur les risques qui font les gros titres, c’est-à-dire les risques bancaires », après des faillites de banques régionales américaines, et « les inquiétudes liées à la Fed (banque centrale) qui doit divulguer sa décision monétaire mercredi » sur le relèvement ou pas de ses taux d’intérêt, analyse Arlan Suderman, chef économiste de la plateforme StoneX Financial.
Les traders attendent de voir si les turbulences bancaire se résolvent, inquiets d’un ralentissement mondial de l’économie… qui auraient des répercussions sur tous les marchés, y compris agricoles, explique-t-il.
Cette semaine, le léger rebond des bourses et du pétrole a conduit « les fonds à repartir à la vente sur le marché des grains, ce qui accentue la baisse des cours », abonde Sébastien Poncelet.
Les observateurs notent que la baisse s’auto-entretient, alors que le climat est actuellement globalement favorable aux cultures en Europe, malgré un manque d’eau dans le sud-est de la Roumanie et dans le sud de l’Espagne, et alors que les récoltes de blé russe et australienne s’annoncent très importantes.
« Le marché ignore les points d’inquiétude potentiels », souligne Sébastien Poncelet: « le retour de la Chine », qui achète de nouveau massivement des céréales et dont le poids pèse sur les marchés, « une situation confuse sur la récolte indienne, après une vague de chaleur suivie de grosses pluies qui ont pu abîmer les cultures », et « le risque sur le corridor » alors qu’il reste d’importantes quantités de grains à sortir d’Ukraine.
Sur le marché des huiles, la « dégringolade » se poursuivait, notamment du fait de la baisse de la demande en agrocarburant. Retrouvant des niveaux de début 2021, le colza européen s’échangeait mercredi autour de 430 euros la tonne sur Euronext.