« Il a été décidé de prolonger de deux mois supplémentaires l’accord céréalier en mer Noire », a annoncé le président turc Recep Tayyip Erdogan à propos de cet accord concernant l’Ukraine et la Russie, conclu en juillet 2022 et qui arrivait à expiration jeudi soir.
« Nous sommes reconnaissants envers nos partenaires, l’ONU et la Turquie, pour leurs efforts pour renforcer la sécurité alimentaire mondiale », a réagi dans la foulée sur Twitter le vice-Premier ministre pour la Restauration de l’Ukraine, Oleksandre Koubrakov, qui suit le dossier.
Le Kremlin a pour sa part confirmé la prolongation, mais dénonce une mise en oeuvre « déséquilibrée ».
Signé en juillet dernier à Istanbul entre les Nations unies, l’Ukraine, la Russie et la Turquie, l’accord a permis d’exporter ces dix derniers mois plus de 30 millions de tonnes de céréales ukrainiennes, permettant de soulager la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre.
Il avait précédemment été renouvelé le 19 mars pour 60 jours.
En théorie, les reconductions sont censées être valables 120 jours, mais la Russie avait alors insisté sur une prolongation de 60 jours, réclamant le respect de l’autre volet de l’accord, qui concerne ses propres exportations de produits agricoles, toujours entravées par les sanctions imposées par les pays occidentaux après le déclenchement de l’offensive russe contre l’Ukraine en février 2022.
La Russie avait listé cinq exigences pour prolonger l’accord, notamment la reconnexion au système bancaire international Swift de la banque russe spécialisée dans l’agriculture Rosselkhozbank et l’annulation des entraves pour assurer des navires et accéder aux ports étrangers.
« Nos principales appréciations des accords (…) n’ont pas changé », a réagi mercredi la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, alors que Moscou affirme que les exportations d’engrais et de produits alimentaires russes restent entravées. « Les déséquilibres dans leur mise en oeuvre doivent être corrigés le plus rapidement possible », a-t-elle ajouté.
– « Victoire diplomatique » –
Même amputé d’un quart de ses terres cultivables, avec « une production attendue en 2023 en repli de 50% par rapport à 2021 », l’apport ukrainien « reste vital », expliquait à l’AFP Sébastien Abis, chercheur associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), avant l’annonce de mercredi.
Martin Griffiths, le chef des affaires humanitaires de l’ONU, s’était inquiété lundi « d’une réduction significative des volumes d’exportations sortant des ports ukrainiens », appelant les parties à « la responsabilité », pour la prolongation d’un accord essentiel pour les pays pauvres.
Depuis le 6 mai, aucun bateau entrant (à vide) dans le corridor n’avait été inspecté, et les contrôles des navires sortant se font au compte-goutte, selon les données du Centre de coordination conjointe d’Istanbul, en charge des inspections à l’entrée du Bosphore.
L’inspection des navires transportant les céréales, réalisée par des représentants des quatre parties signataires de l’accord, constituait une exigence de Moscou qui voulait s’assurer qu’ils ne délivreraient pas simultanément des armes à l’Ukraine.
Après avoir atteint un pic en mai 2022, avec un blé à près de 440 euros la tonne sur le marché européen, les cours ont reflué, jusqu’à passer sous leur niveau d’avant-guerre, autour de 235 euros récemment, à la mi-mai.
L’annonce de la reconduction de l’accord, faite mercredi par Recep Tayyip Erdogan, arrive à un moment opportun pour le président turc, qui cherchera à être réélu le 28 mai pour un troisième mandat.
« Poutine offre à Erdogan une nouvelle victoire diplomatique avant le second tour de l’élection présidentielle », a estimé sur Twitter Emre Peker, du centre de réflexion Eurasia group.
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