Soupçons de prise illégale d’intérêts: les investigations visant Alexis Kohler sont terminées

Paris, 23 juin 2023 (AFP) – La menace d’un procès semble se rapprocher pour Alexis Kohler: les juges d’instruction financiers chargés d’examiner les soupçons de prise illégale d’intérêts qui visent le bras droit d’Emmanuel Macron pour ses liens familiaux avec l’armateur MSC ont annoncé le 21 avril avoir terminé leurs investigations.

Les deux magistrats du pôle financier du tribunal judiciaire de Paris ont informé les parties de la clôture de leur enquête ouverte il y a trois ans, a indiqué vendredi à l’AFP une source proche du dossier, confirmée par une source judiciaire.

L’avocat de M. Kohler, Eric Dezeuze, n’a pas souhaité s’exprimer.

« Des recours sont pendants devant la chambre de l’instruction », a précisé la source judiciaire.

Selon la décision de la cour d’appel sur ces recours, le parquet national financier (PNF) pourrait être amené à prendre ses réquisitions avant que les deux juges d’instruction n’ordonnent ou non un procès devant le tribunal correctionnel.

Le PNF s’était opposé aux poursuites en classant une première plainte de l’association Anticor déposée une plainte en 2018 après des articles de Mediapart sur ce possible conflit d’intérêts.

Anticor, dont l’agrément pour intervenir en justice a été annulé vendredi par le tribunal administratif de Paris, avait obtenu en juin 2020 la désignation de juges d’instruction en déposant une plainte avec constitution de partie civile.

Alexis Kohler est soupçonné d’avoir participé en tant que haut fonctionnaire entre 2009 et 2016 à plusieurs décisions relatives à l’armateur italo-suisse MSC dirigé par les cousins de sa mère, la famille Aponte.

Le secrétaire général de l’Elysée a été mis en examen le 23 septembre 2022 pour prise illégale d’intérêts et placé sous le statut plus favorable de témoin assisté pour trafic d’influence.

Sont concernées cinq délibérations de STX France (devenu Chantiers de l’Atlantique) et trois du Grand port maritime du Havre (GPMH), liés à MSC, dont il était administrateur.

Entre 2012 et 2016, lorsqu’il était membre du cabinet de Pierre Moscovici puis d’Emmanuel Macron au ministère de l’Economie, il est également reproché à M. Kohler d’avoir notamment « persisté (…) à émettre des avis ou donner des orientations stratégiques ayant trait » à des dossiers impliquant MSC, selon son interrogatoire les 22 et 23 septembre devant les juges.

– « Confiance » d’Emmanuel Macron –

Alexis Kohler a contesté « tout délit » et tout « avantage tiré » de sa situation.

Il a argumenté en précisant n’avoir participé à aucune décision concernant le groupe, à l’époque STX-GPMH, avoir averti sa hiérarchie de ses liens familiaux et demandé à quitter son mandat d’administrateur de STX.

Ses votes en conseil d’administration exprimaient la position de l’Etat, a-t-il affirmé.

Selon lui, son lien familial avec les Aponte est « simple » mais au « 5e degré », « éloigné »: sa mère est la cousine de Rafaëla Aponte, épouse du fondateur Gianluigi Aponte.

Il a aussi reconnu une « amitié sincère » entre son épouse et Rafaela Aponte, avec des séjours annuels de Sylvie Kohler ou de leurs enfants de 2009 à 2013 et en 2019 sur des yachts MSC, souvent avec des membres du clan Aponte.

Lors de l’interrogatoire, les juges d’instruction ont souligné que cet « intérêt moral » pouvait « compromettre l’impartialité, l’indépendance ou l’objectivité » d’Alexis Kohler.

« Rétrospectivement, il est vrai qu’il aurait été plus simple que je ne sois pas nommé administrateur pour éviter tout risque », a-t-il concédé.

Les magistrats l’ont aussi interrogé sur la réalité de son déport du dossier MSC, en relevant notamment l’existence de 28 courriers électroniques concernant MSC entre 2013 et 2016 et les notes de la direction générale du Trésor ou de l’Agence des participations de l’Etat relatives à STX et MSC qu’il a « persisté à recevoir », notent-ils.

Dans ce dossier, deux hauts fonctionnaires et anciens supérieurs de M. Kohler à l’APE sont, eux, poursuivis pour « complicité de prise illégale d’intérêts » depuis le 9 février dans ce dossier.

Emmanuel Macron a exprimé à plusieurs reprises sa « confiance » en son secrétaire général. Sur France 2 en mars, le chef de l’Etat avait défendu « l’honnêteté » de son bras droit. « Cette procédure n’est pas en train d’aboutir », avait-il assuré.

Plusieurs figures de la galaxie présidentielle sont actuellement mises en cause judiciairement, dont le ministre du Travail Olivier Dussopt et François Bayrou. Ils doivent être jugés à l’automne dans deux affaires distinctes.

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