« C’est vraiment compliqué pour prendre de l’eau ici »: Julie (elle ne souhaite pas donner son nom) patiente depuis plus de trois heures devant le collège de Kwalé, en périphérie de Mamoudzou, chef-lieu de ce département français dans l’océan Indien.
« On est là, sous le soleil, avec des enfants et des femmes enceintes. C’est dur, mais nous n’avons pas le choix car il n’y a pas d’eau », souffle cette femme enceinte de deux mois, serrée dans la file.
Une dizaine de mètres plus loin, la police municipale peine à contenir l’impatience de la foule, répartie en quatre catégories: femmes enceintes, malades, personnes âgées et parents d’enfants en bas âge.
Quand la file d’attente s’achève, une autre se dévoile. Sous l’ombre d’un chapiteau cette fois. Chacun rassemble ses pièces administratives avant de les présenter aux agents municipaux.
A l’heure où le département affronte son pire épisode de sécheresse depuis 1997, de l’eau en bouteille est distribuée chaque jour à plusieurs dizaines de milliers de personnes considérées comme les plus vulnérables.
L’Etat a ainsi déjà livré « 2,5 millions de litres d’eau » et la préfecture annonce « de nouveaux arrivages de l’Hexagone et de l’océan Indien qui permettront de passer à une distribution générale autour du 20 novembre ».
Trois cents personnels des armées, des pompiers et de la sécurité civile sont en renfort à Mayotte pour assurer le transport et la distribution de l’eau », sans compter les agents des communes.
Autre défi à relever: l’amélioration de la communication autour des lieux et horaires des distributions. Si chaque commune informe ses administrés via ses propres moyens, la préfecture assure qu' »une communication générale » sera « bientôt diffusée ».
– Enjeu du recyclage –
Les autorités mettent aussi en avant l’enjeu du recyclage, alors que des tonnes de plastique s’accumulent déjà dans les rues et mangroves du 101e département français, qui compte quelque 310.000 habitants selon l’Insee.
« Les bouteilles sont distribuées en échange d’une bouteille vide » et « sont compactées et déplacées sur un site spécialement conçu pour l’occasion », assure la préfecture, qui ajoute que ces déchets seront ensuite « recyclés dans l’Hexagone ».
Sur un petit archipel particulièrement concerné par l’immigration clandestine en provenance des Comores voisines, rejoindre un point de distribution constitue, aux yeux de nombreux habitants, un risque de s’exposer à un contrôle de police. Même si la préfecture assure que les personnes concernées « ne sont pas soumises à des contrôles de la police aux frontières lors des distributions » d’eau.
« Un simple justificatif d’identité est demandé aux personnes identifiées comme bénéficiaires du dispositif (nom, prénom, date de naissance) », indiquent les services de l’État. Malgré l’absence de précision quant au processus d’identification des bénéficiaires, les autorités rappellent que « la nationalité n’est pas un critère d’éligibilité aux distributions, qui sont ouvertes à tous les publics vulnérables ».
Le sujet préoccupe la Défenseure des droits. « S’il faut prouver sur la base de documents que l’on habite bien dans telle commune pour bénéficier d’une distribution, je n’ai pas de doute que cela va exclure les plus précaires. Qu’ils soient en situation irrégulière ou non, ces publics n’ont pas toujours les moyens de prouver un lieu de résidence », déclarait Claire Hédon à Mamoudzou fin octobre.
La responsable de l’autorité indépendante s’interrogeait également sur d’éventuels contrôles sur le chemin d’une distribution d’eau. « On alerte là-dessus », insistait-elle.