Le monde maritime est constellé de mystères et d’histoires tragiques mais il révèle aussi parfois des trésors enfouis dans ses profondeurs. Fin 2023, une équipe de recherche grecque a fait remonter à la surface l’histoire militaire de la Marine française, en découvrant l’épave du sous-marin Floréal, disparu en 1918 au cours de la Première Guerre mondiale. Récit.
Dessiné par l’ingénieur Maxime Laubeuf (1864-1939) et construit par l’arsenal de Cherbourg, le Floréal (Q54) était un sous-marin de la Marine française de la classe Pluviôse. Long de 51 mètres, large de 5 mètres, d’un déplacement de 553 tonnes en immersion (404 tonnes en surface), et pouvant plonger à une trentaine de mètres de profondeur, il avait été lancé le 18 avril 1908. Le sous-marin était innovant à l’époque avec une double coque et un double système de propulsion.
Durant la Grande Guerre, le Floréal avait été engagé comme patrouilleur dans la Manche puis dans le Golfe de Gascogne jusqu’en 1916, avant de rejoindre la mer Égée pour tenir le blocus des détroits entre la Méditerranée et la mer Noire.
Le 2 août 1918, il avait été heurté accidentellement au large de Salonique par le croiseur auxiliaire britannique HMS Hazel. L’équipage avait été entièrement sauvé par le contre-torpilleur Baliste mais le sous-marin avait coulé par 39°56N et 23°08E.
Conseil de guerre maritime
Son commandant, le lieutenant de vaisseau Raymond Féraud, fût traduit devant un conseil de guerre maritime à Toulon et acquitté, comme l’a relaté le journal Le Temps (n°21.032 du 5 février 1919) : « Le commandant étant fatigué avait, dans la nuit où eut lieu la catastrophe, confié le quart au second maître électricien Colon, qui avait déjà rempli cette mission. Une heure après, le Floréal, que convoyait le contre-torpilleur Baliste, rencontre deux bâtiments anglais. Le second fut abordé par le sous-marin qui, gravement atteint, coulait une heure après : toutefois tous ses hommes furent recueillis par la Baliste. Les débats ont porté sur la responsabilité du second maître. Le capitaine de frégate Castex a présenté avec chaleur la défense du commandant du Floréal ; puis le conseil de guerre maritime a prononcé l’acquittement du lieutenant de vaisseau Féraud ».
À 98 mètres de profondeur…
106 ans plus tard, l’épave du sous-marin a été localisée, posée sur un sol boueux, à une profondeur de 98 mètres, dans le golfe Thermaïque, par l’équipe du plongeur grec Kostas Thoktaridis. Spécialisé dans la recherche de navires naufragés, celui-ci avait déjà retrouvé, l’été dernier, par 203 mètres de fond, l’épave du sous-marin britannique HMS Triumph, disparu en mer Égée en 1942 lors d’une mission.
Ses premiers travaux concernant le Floréal avaient débuté en 2014 dans les archives françaises, mais c’est par hasard qu’il a finalement retrouvé le bâtiment en 2023. Installée dans la zone pour localiser l’ancre perdue d’un autre navire, son équipe en avait profité pour sonder l’espace plus largement finissant par détecter une épave qui fût rapidement identifiée par un robot sous-marin comme étant celle du Floréal. Selon les premiers témoignages, les périscopes du sous-marin sont baissés et l’assiette est à zéro. On peut apercevoir la base du canon de 65 mm ainsi que les tubes lance-torpilles.
Il s’agit de la première découverte dans les eaux grecques d’un sous-marin de la Grande Guerre. Kostas Thoktaris a confirmé que l’épave était en excellent état « comme si le temp s’était arrêté au moment de son naufrage en 1918 »
Lire : Sous-marins et submersibles, Maxime Laubeuf, ouvrage publié initialement en 1918 et republié en 2016 aux Éditions Decoopman avec une préface de l’amiral Jean-Louis Vichot
Caractéristiques techniques :
Type de coque | Sous-marin à double coque |
Tonnage surface | 398 t |
Tonnage en plongée | 550 t |
Longueur | 51,12 m |
Largeur | 4,97 m |
Tirant d’eau | 3,04 m |
Vitesse en surface | 12,30 nœuds |
Vitesse en plongée | 8 nœuds |
Immersion maximale de sécurité | 35 m |
Équipage (off + s-off + mat.) | 2 + 23 |
Armement | 1 tube intérieur d’étrave(1) + 4 tubes carcasse de 450 mm + 2 tubes de 450 mm – 8 torpilles |
Motorisation | 2 chaudières de 360 ch + 2 moteurs électriques de 225 ch |
Propulsion | 2 hélices |
- Enlevé à la suite de l’accident du sous-marin Fresnel le 5 octobre 1908 lors de ses essais. Suite au heurt avec une jetée, le tube lance-torpille traverse la coque et occasionne une voie d’eau.