A Montpellier, des victimes « par ricochet » d’essais nucléaires déboutés par la justice

Montpellier, 25 mars 2024 (AFP) – La veuve et le fils d’un militaire français se disant victimes « par ricochet » d’essais nucléaires français en Polynésie et qui réclamaient une indemnisation de leur propre préjudice, ont été déboutés par le tribunal administratif de Montpellier, selon un jugement obtenu lundi par l’AFP.

Dans sa décision, datée du 21 mars, le tribunal administratif a suivi l’avis du rapporteur public en jugeant que les demandes étaient prescrites, « sans examiner le fond du dossier, à savoir la responsabilité de l’Etat et le droit à réparation des préjudices subis par les victimes +par ricochet+ », a déploré lundi auprès de l’AFP l’avocate de l’Association vétérans essais nucléaires (Aven), Cécile Labrunie.

Elle a réclamé une modification de la loi après des décisions similaires des tribunaux administratifs de Strasbourg, Bordeaux et Dijon.

Une loi du 5 janvier 2010 permet l’indemnisation des victimes des 210 essais nucléaires menés entre 1960 et 1996 au Sahara algérien, ancienne colonie française, et en Polynésie.

Mais elle n’indemnise que les victimes directes, et pas les proches, contrairement à d’autres systèmes d’indemnisation prévus pour les victimes de l’amiante, d’attentats ou d’accidents de la route.

Pour obtenir réparation, les familles doivent dès lors se tourner vers les tribunaux administratifs et prouver l’existence d’une faute de l’Etat.

Cependant selon la loi actuelle, ils doivent le faire dans les quatre ans à partir du moment où ils ont pu déterminer l’origine de leur préjudice propre. Dans leur cas, cela aurait été au plus tard en 2016.

« En venant ici, je me replonge dans les souffrances de notre famille », a confié Marie-Noëlle Dupuis en marge de l’audience du 7 mars, où elle a réclamé 245.000 euros pour elle et son fils.

Son époux, Dominique, était un militaire, plongeur à bord du porte-avion Le Foch. En 1966, il avait participé à la campagne nucléaire en Polynésie française.

« Lors des essais, les biologistes lui demandaient de faire des prélèvements. Sans protection. Sans masque », se souvient Mme Dupuis, dont le mari est décédé d’un cancer en juillet 2012.

« J’ai accompagné mon mari jusqu’aux soins palliatifs, j’étais là pour le porter. Il avait des nécroses aux pieds, aux mains, provoquées par la chimiothérapie », explique-t-elle.

Si elle a bien reçu en 2018 une indemnisation de 60.000 euros pour le compte de son mari, elle avait aussi dû « diminuer son temps de travail pour pouvoir s’en occuper et en subit aujourd’hui les conséquences par une maigre retraite. Tout cela se chiffre », avait plaidé son avocat, Florent Tizot

« C’est un préjudice moral et économique qui doit être indemnisé », avait-il ajouté.

Dans sa décision, le tribunal a toutefois jugé trop tardive sa demande d’indemnisation, introduite en 2021, et l’a rejetée au nom de la prescription.

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