Le président français Emmanuel Macron a pu voir, le temps d’une visite lundi à Camopi, dans le sud-ouest de la Guyane française, comment les Amérindiens vivotent dans cet environnement, pris au piège entre chercheurs d’or et aléas climatiques.
Une famille, résidant sur un site surplombant le fleuve, y cultive le manioc et d’autres plantes tropicales sur un « abattis », un bout de forêt amazonienne transformé en jachère.
Mais la vie est rude, la jeunesse – plus de 70% ont moins de 30 ans – souvent désoeuvrée, sauf à partir tenter sa chance sur le littoral de la Guyane, à Cayenne, ou à devenir piroguier.
« L’activité principale ici c’est la pêche. Beaucoup de jeunes partent sur le littoral mais tombent dans la drogue. Ils font aussi de la logistique pour les orpailleurs », raconte Siméon Monnerville, responsable du point information jeunesse à Camopi, le corps couvert de tatouages traditionnels en l’honneur de la visite présidentielle.
– « Ici personne n’a d’argent » –
A quelques encablures, les sites d’orpaillage illégal continuent à prospérer, malgré les opérations régulières de la Légion étrangère pour contenir ce fléau à l’origine d’une criminalité effrénée.
Ils ruinent aussi l’environnement, et par ricochet la santé des riverains, en y déversant du mercure utilisé pour l’extraction de l’or.
De l’autre côté du fleuve, la vente d’essence pour les pirogues, de nourriture venue de l’arrière-pays brésilien, y compris aux orpailleurs, prospère tout autant. Et avec elle, les regards suspicieux des Amérindiens guyanais.
« C’est moins cher là-bas mais souvent les produits sont périmés. L’argent de la France part là-bas, on paie en euros. Ils prennent la carte aussi », raconte Siméon Monnerville.
« En face, un poulet c’est dix euros, un coca cinq et s’ils te font crédit, ils augmentent le prix ! Ici personne n’a d’argent, tout le monde galère », renchérit Daniel Panapuy, au chômage. « Tout le monde gagne le RSA (revenu de solidarité active) s’il n’a pas de travail », ajoute-t-il.
– Mystérieuse maladie –
L’abbatis, en lisière de forêt primaire, permet de faire vivre une famille. Les Amérindiens coupent les arbres sur une petite zone, puis les brûlent pour alimenter un sol très pauvre en nutriments. Tous les trois ans environ, ils changent d’endroit et la forêt reprends ses droits.
Mais la culture du manioc est frappée par une mystérieuse maladie encore non identifiée. « Il faut voir l’impact du dérèglement climatique. Il y a beaucoup moins de pluie qu’avant. Les plantes sont affaiblies par le changement climatique », explique une scientifique au chef de l’Etat.
Pour un responsable local, René Monerville, il y urgence. « A un moment, les gens ne vont plus pouvoir subvenir à leurs besoins avec les aides sociales », avertit-il.
Pour le directeur du Parc amazonien de Guyane, Pascal Vardon, l’avenir passe par le développement local dans « le bois, la petite agriculture et pourquoi pas l’écotourisme ». Avec 40 kilomètres de sentiers, les randonneurs sont déjà au rendez-vous.
« Il faut mettre les moyens pour couper les flux logistiques (de l’orpaillage illégal) et que les Brésiliens nous aident », dit-il au président. Message reçu cinq sur cinq. Emmanuel Macron, qui entame mardi une visite d’Etat au Brésil, a promis de mettre le sujet sur le table.