« C’est le spécialiste du port », résume Henri Caubrière, pilote du Havre (France) et président de la Fédération française des pilotes (FFPM).
« Aux Etats-Unis comme en France, tout navire au-dessus d’une certaine taille doit avoir un pilote maritime à bord. C’est un expert des courants, points de danger, du trafic… Il connaît tout par coeur », indique à l’AFP François Mayor, du centre de formation de pilotes et commandants Artelia/Port Revel, près de Grenoble (France).
– Détroits, courants –
Les conseils des pilotes sont essentiels quand le navire approche ou part d’un port, et leur travail peut être compliqué par de forts courants ou vents marins, ou une mauvaise visibilité.
Ils peuvent aussi faire passer des géants des mers dans des embouchures de fleuves ou des passages étroits, comme le canal de Suez ou les écluses du canal de Panama, mais aussi la Manche ou les détroits de Malacca (Malaisie) ou du Bosphore (Turquie).
En pratique, le pilote échange des informations avec le capitaine sur les procédures de navigation, les conditions locales et les caractéristiques du navire, selon la FFPM.
Il assure ensuite la conduite du navire en donnant des ordres aux opérateurs qui s’occupent de la barre et des machines.
Le métier peut être dangereux: le pilote rejoint le navire à son arrivée par une navette appelée « pilotine » et monte une échelle le long de la coque, ou peut descendre d’un hélicoptère le long d’un treuil.
Quand deux pilotes montent à bord, comme dans le cas du Dali à Baltimore, c’est souvent car la navigation est compliquée ou le navire très grand: l’un s’occupe généralement de la navigation électronique, et l’autre donne des ordres aux opérateurs, explique M. Mayor.
Le capitaine reste dans tous les cas responsable de la sécurité du navire.
« Il y a un contrôle croisé entre le pilote et le capitaine, mais l’erreur humaine est le premier facteur d’accident », dit à l’AFP Jean Pochulu, 66 ans, ex-pilote du Havre lui aussi.
« On fait du simulateur, on s’entraîne à éviter tous les accidents possibles (…) On s’est beaucoup améliorés avec l’intelligence artificielle, les radars plein jour, les GPS différentiels, tout un tas d’aides électroniques qui aident à la prise de décision ».
Les pilotes sont généralement des commandants de navires de haute mer qui, vers 35 ans, se tournent vers cette profession basée à terre, en tant que salariés du port ou dans des stations indépendantes, indique M. Mayor. Ses élèves américains viennent plutôt du remorquage.
« Ils passent des années à se former et, sur ces grands navires, on met les plus expérimentés », souligne-t-il.
Les pilotes du Maryland, l’Etat de Baltimore, doivent en général être diplômés d’écoles maritimes et avoir plusieurs années d’expérience en mer. Une poignée de candidats est sélectionnée tous les deux ans pour être formés et naviguer dans les eaux peu profondes de la baie de Chesapeake, selon l’Etat.
– Navires géants –
Un accident comme celui de Baltimore est « très spectaculaire » et dramatique, mais « ça arrive assez rarement », souligne le pilote Henri Caubrière.
Le blocage du canal de Suez par le porte-conteneurs « Ever Given », en mars 2021, avait été causé en partie par une mésentente entre les deux pilotes égyptiens et le commandant indien du navire, selon le rapport publié en 2023 par les autorités maritimes du Panama, qui ont enquêté car le bateau battait leur pavillon.
Si « les mers sont de plus en plus sûres, « la taille des navires a augmenté, jusqu’à 400 mètres, et les infrastructures portuaires, pas toujours », explique M. Caubrière. « On est dans l’obligation de faire appel à des remorqueurs ».
« Les ponts ont été construits à une époque où les bateaux étaient beaucoup moins gros, et ils ne sont pas censés pouvoir subir un tel impact », avance Kris De Decker, pilote au port d’Anvers, qui a vécu comme un « cauchemar » la nouvelle de Baltimore mardi matin.
Ce Belge de 51 ans a mis fin à une vie de marin « exotique », expatrié aux Philippines, enchaînant les missions longues, jusqu’à six mois à bord, pour rentrer à Anvers, où il effectue chaque jour des manoeuvres, de quatre heures en moyenne pour amarrer des navires.
« C’est le pire, pour un pilote, d’imaginer voir un problème survenir, de perdre le contrôle du vaisseau à cause de l’élan du navire en marche », souligne M. De Decker.
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