Les cyclistes fusent sur la populaire piste le long du canal. Au niveau de l’écluse 74, Francis Guth, porte-parole du collectif Le Chaudron des alternatives, fait sa dernière balade à vélo avant l’enclenchement de la première phase des longs travaux de rénovation, prévus pour durer huit ans.
« Tout ça ce sont des habitats qui vont être menacés », pointe M. Guth. « Les travaux vont avoir un impact énorme sur la végétation, les espèces protégées et tout ce qui vit à côté de l’eau. »
Bouvière, martin-pêcheur, harle bièvre… Autant d’espèces protégées repérées comme vivant sur le tronçon de 24 kilomètres du canal entre Friesenheim (Bas-Rhin) et Artzenheim (Haut-Rhin) destiné à être rénové.
Le budget des travaux est de 43 millions d’euros, partagé entre la région Grand-Est, VNF (Voies navigables de France), le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural), et les communes entre autres. Mais toutes les associations de défense de la nature ne sont pas convaincues.
« C’est une véritable gabegie d’argent public, de l’argent public foutu en l’air », s’émeut Pascal Rosensweig, riverain et représentant de l’association Wittisheim vie et nature.
Ce militant écologiste de 60 ans a connu le canal dans son état actuel toute sa vie. « Dans les années 1970 j’avais l’habitude de pêcher ici », raconte-t-il, nostalgique. « Tout ça c’est un milieu qu’il faut préserver ».
La région justifie le projet par le besoin de « donner une utilité » à cette voie d’eau, sans quoi elle sera destinée à être asséchée. « Aujourd’hui il y a des débats sur l’usage de l’eau et la répartition des droits d’eau. La garantie d’avoir de l’eau dans ce canal, c’est d’en avoir un usage économique », affirme Benoît Grandmoujin, directeur de l’environnement à la région Grand-Est.
– Consensus –
Le projet prévoit ainsi des retombées économiques de huit à douze millions d’euros par an grâce au passage de 5.000 à 6.000 bateaux, dix ans après la fin des travaux. La région compte également sur le développement de commerces le long des rives, ainsi qu’une halte nautique de plaisance pour garantir un retour sur investissement.
Mais pour M. Grandmoujin l’enjeu n’est pas de « travailler sur la remise en navigation du canal et en parallèle d’impacter l’écosystème environnemental. Au contraire ! » Il assure que « tout a été travaillé dans le consensus » avec les associations environnementales locales.
La fédération Alsace Nature, qui soutient l’ouvrage et fait partie du comité de pilotage depuis le début, avait posé des « lignes rouges » et considère qu’elles ont toutes « été respectées ».
Parmi celles-ci, le projet contenait initialement la rénovation d’un tronçon supplémentaire jusqu’à Neuf-Brisach (Haut-Rhin). Mais cette portion, considérée comme une « zone environnementale sensible », ne verra finalement des travaux que sur sa piste cyclable adjacente. « Les maîtres d’ouvrage ont satisfait toutes nos demandes », estime Daniel Reininger, président d’Alsace Nature.
Selon lui, le cours d’eau nécessite un entretien sans quoi cela pourrait nuire aux usagers et à l’environnement local. « Ceux qui rêvent d’un canal qu’on ne toucherait pas ne sont pas réalistes », ajoute-t-il.
Frédéric Pfliegersdoerffer, le maire de Marckolsheim, l’une des communes bordées par le canal, acquiesce. Pour lui les travaux sont une nécessité: « L’ouvrage tel qu’il est se dégrade assez vite. Ne serait-ce que cette semaine il y a eu deux ruptures de digue assez importantes ».