« Pour renforcer encore notre sécurité nationale, mon administration va reprendre le canal de Panama et nous avons déjà commencé à le faire », a lancé mardi soir dans son discours au Congrès le président américain.
« Une fois de plus, le président Trump ment. Le canal de Panama n’est pas en cours de restitution » et cette question n’a pas été abordée dans les discussions bilatérales, a rétorqué mercredi matin sur X le président panaméen José Raul Mulino.
Depuis le retour au pouvoir en janvier, Donald Trump n’a cessé d’invoquer une supposée emprise chinoise sur le canal de Panama, n’excluant pas une possible intervention militaire.
Washington considère comme une « menace » le fait qu’une entreprise liée à la Chine exploite des ports aux abords du canal, malgré le fait que la voie d’eau interocéanique est gérée et administrée par une entité panaméenne autonome.
Hutchison Ports PPC (aussi connue comme Panama Ports Company, PPC) gère effecivement depuis 1997 le port de Cristobal, du côté Atlantique du canal, et celui de Balboa, du côté Pacifique.
Mais sa maison-mère CK Hutchison, immense empire commercial fondé par le milliardaire hongkongais Li Ka-shing, a signé mardi un accord de principe devant permettre à un consortium américain mené par BlackRock de mettre la main sur 90% de PPC, ainsi que sur d’autres installations portuaires dans le monde, pour environ 19 milliards de dollars.
Pour Benjamin Gedan, directeur du programme pour l’Amérique latine du Wilson Center, un centre d’études basé à Washington, « la Chine ne joue aucun rôle dans l’exploitation du canal et si cette entreprise cesse de contrôler ces deux ports, il sera difficile d’argumenter que la Chine contrôle le canal ».
Selon lui, le transfert de l’exploitation des deux ports panaméens contrôlés par PPC serait donc « une solution à la crise diplomatique sans qu’il soit nécessaire d’annuler le contrat, ce qui nuirait encore plus au climat des investissements au Panama, et sans provoquer de représailles de la part de Pékin ».
Jorge Quijano, ancien administrateur du canal, a dit à l’AFP avoir « toujours pensé que cela finirait par une transaction commerciale » avec un consortium dont les intérêts ne s’opposeraient pas à ceux du président des États-Unis. « De cette façon, l’attaque selon laquelle les ports de Balboa et Cristobal représentent une menace pour le canal de Panama en raison de leurs liens avec une entreprise de Hong-Kong prend fin », a-t-il souligné.
– « Nouvelle géopolitique » –
« Les affaires sont la nouvelle géopolitique à l’ère Trump. Certains verront le transfert de l’exploitation des deux ports du canal comme un soulagement », a déclaré à l’AFP la politologue panaméenne Sabrina Bacal.
« Il s’agit d’une transaction mondiale, entre entreprises privées, motivée par des intérêts mutuels », a indiqué mardi le gouvernement panaméen dans un communiqué en précisant que l’audit en cours visant Hutchison Ports PPC « doit se poursuivre ».
Au lendemain du retour au pouvoir de Trump, les autorités panaméennes avaient entamé cet audit afin de vérifier que l’entreprise respecte ses engagements financiers.
Parallèlement, la Cour suprême du Panama examine depuis février des plaintes demandant l’annulation de la concession accordée en 1997 à la société hongkongaise et prolongée de 25 ans en 2021, au motif que la filiale de CK Hutchison Holdings ne paie pas d’impôts et bénéficie d’une série d’avantages présumés contraires à la loi.
Le procureur général du Panama s’est récemment dit en faveur d’une annulation pour « inconstitutionnalité ».
Les États-Unis et la Chine sont les deux principaux utilisateurs de la voie maritime interocéanique longue de 80 kilomètres par laquelle transite 5% du commerce maritime mondial. Construit par les Etats-Unis et inauguré en 1914, le canal est passé aux mains des Panaméens en 1999 suite à la signature de traités bilatéraux.
Pour apaiser Donald Trump, le Panama s’est récemment retiré du projet d’infrastructures dit des « Nouvelles Routes de la soie », axe central de la stratégie de la Chine pour accroître son influence à l’étranger.
Le pays a également proposé de servir de pont pour expulser les migrants irréguliers renvoyés par les Etats-Unis vers d’autres pays d’Amérique latine.
fj/jjr/esp/lab/ial/