En Méditerranée, les poissons cherchent la fraicheur et ça recompose nos assiettes

Marseille, 4 juil 2025 (AFP) – Il fait 34°C sur le Vieux-Port de Marseille, 29°C dans la mer. Les poissons aussi cherchent la fraicheur et l’étal de Sandrine Di Meglio manque cruellement de daurades royales ou de bonites pour la saison.

« Il n’y a pas de poisson, il s’en va, c’est normal, il fait trop chaud, il va chercher la nourriture ailleurs », raconte la poissonnière.

Et n’allez pas demander de la sardine à sa voisine Christelle: « Il n’y en a pas! Ils cassent les c… avec les sardines. Il y a autre chose que la sardine, quoi ! ». A la place, elle propose des aloses: trois kilos pour 20 euros.

L’alose a les mêmes petits points sur le corps que la sardine, elles font partie de la même famille et ont des contenus élevés en oméga 3. Elle a certes pas mal d’arêtes mais elle est plus grosse et plus charnue. Cette espèce migre entre la mer vers les eaux douces pour la reproduction, elle profite donc pour se nourrir de ce continuum terre-mer.

La sardine disparait des étals car elle est devenue trop petite pour être pêchée faute de plancton, sa nourriture, qui se raréfie, explique Daniela Banaru, chercheuse en biologie et écologie marines à l’Institut méditerranéen d’océanologie (MIO).

Le week-end dernier, la mer Méditerranée a enregistré un triste record pour un mois de juin avec une température de surface de 26,01°C en moyenne, selon des données du programme européen Copernicus analysées par Météo-France.

« De l’eau à 29°C sur la plage de Cap Rousset, début juillet, c’est du jamais vu. C’est un phénomène qu’on a plus souvent fin juillet, début août », relève Marie Bravo-Monin, directrice du parc marin de la Côte bleue, au nord de Marseille.

En profondeur aussi, l’eau dans ce parc est de plus en plus chaude: en 2024, la températures à -12 mètres est montée jusqu’à 26,7°C et même à presque 28°C en 2022. Même l’hiver, la température a augmenté en moyenne de 2°C en 14 ans.

– Espèces exotiques –

Tout cela entraîne une reconfiguration des populations de poissons. « Certains vont faire comme nous, chercher la fraîcheur, tout simplement ». La girelle royale, poisson phare de la bouillabaisse, la célèbre soupe de poisson locale, va descendre plus en profondeur.

A l’inverse, la girelle-paon, avec ses tons bleus et verts éclatants, aime la chaleur. On en observe donc de plus en plus dans les eaux de surface autour de Marseille.

Pour le loup (bar), espèce ultra-prisée dans la cuisine méditerranéenne, une température élevée peut déclencher la reproduction.

La pêche est donc de plus en plus aléatoire.

Et si on en est là, explique Daniela Banaru, c’est la conséquence d’au moins trois phénomènes.

Certaines espèces d’eau froide disparaissent, tandis que des espèces d’eau chaude et souvent même exotiques prolifèrent, comme le barracuda, la girelle-paon ou le baliste.

Avec l’augmentation des températures, il y a aussi une « stratification des eaux » qui empêche le mélange des eaux de surface et de profondeur qui permet normalement la prolifération du plancton, notamment au large où se nourrissent habituellement les grands prédateurs. Ce qui explique qu’on observe de plus en plus de thons ou cétacés près des côtes où leur nourriture est un peu plus abondante en lien avec les apports de la terre.

Enfin, le phénomène sans doute le plus impactant pour la pêche en Méditerranée française pour la chercheuse, est lié la gestion de l’eau du Rhône. L’amélioration de la qualité de eaux a fait baisser la concentration de nutriments. Mais surtout, les besoins pour l’agriculture et l’eau potable face aux épisodes de sécheresse, ont fait baisser la quantité d’eau du fleuve qui se jette dans la Méditerranée. Or, c’est principalement cette eau d’origine terrestre chargée en nutriments qui permet la prolifération de plancton, explique Daniela Banaru, également maîtresse de conférence à l’université d’Aix-Marseille.

Pour elle, la réglementation autour de la pêche devrait prendre en compte tous ces changements. Et les pêcheurs comme les consommateurs doivent s’adapter et manger ce que l’on trouve.

A deux pas du Vieux-Port, le chef Christian Qui essaie de montrer l’exemple. « A un moment j’ai jeté toutes mes cartes et je suis venu sur le quai regarder ce qu’il y avait sur les étals. Sur la bouillabaisse, l’idée c’est de ne pas avoir une recette trop définie avec tel ou tel poisson mais des principes de cuisine sauvage. »

Et ce matin-là, pour sa bouillabaisse, il n’y a ni girelle, ni galinette (grondin perlon). Ce sera donc de la baudroie (lotte) !

Les Infos Mer de M&O

Ascenz Marorka équipera le navire de croisière Magellan Discoverer d’Antarctica21

Ascenz Marorka, une société de Smart Shipping1 du groupe GTT, annonce avoir été sélectionnée par la compagnie Antarctica21 pour équiper son futur navire de...

Exail équipe les frégates FDI de la Marine Hellénique de systèmes de navigation cybersécurisés

Naval Group a sélectionné Exail pour fournir les systèmes de navigation des frégates de défense et d'intervention (FDI) de la Marine Hellénique. Le...

4 milliards d’euros de nouvelles commandes pour les armées

A quelques jours de la fête nationale, les prises de commandes réalisées auprès des industriels de l’armement au premier semestre 2025 par la...

Soutenir l’innovation de défense est un enjeu de souveraineté nationale (par Eva Szego – IHEDN)

En mars 2025, les acteurs du secteur financier et de l’industrie de défense se sont réunis à Bercy, soulignant l’importance cruciale du financement...

« Le financement des industries de souveraineté et de défense est en voie de normalisation progressive » (ALLINVEST)

Entretien avec Bertrand Le Galcher Baron et Christophe Marchand. Propos recueillis par Louis Fontaine. Bertrand Le Galcher Baron* et Christophe Marchand** sont respectivement Directeur...

Nouvelles mesures de soutien et de simplification en faveur des industriels de la défense

La Direction générale de l’armement (DGA) a annoncé la mise en place de nouveaux dispositifs de soutien de simplification en faveur des industriels...

Plus de lecture

M&O 287 - Juin 2025

Colloque du 12 sept 2025

ACTUALITÉS

Le Bénin et la mer

Découvrez GRATUITEMENT le numéro spécial consacré par Marine & Océans au Bénin et la mer

N° 282 en lecture gratuite

Marine & Océans vous offre exceptionnellement le numéro 282 consacré à la mission Jeanne d’Arc 2024 :
  • Une immersion dans la phase opérationnelle de la formation des officiers-élèves de l’École navale,
  • La découverte des principales escales du PHA Tonnerre et de la frégate Guépratte aux Amériques… et de leurs enjeux.
Accédez gratuitement à la version augmentée du numéro 282 réalisé en partenariat avec le Centre d’études stratégiques de la Marine et lÉcole navale

OCÉAN D'HISTOIRES

« Océan d’histoires », la nouvelle web série coanimée avec Bertrand de Lesquen, directeur du magazine Marine & Océans, à voir sur parismatch.com et sur le site de Marine & Océans en partenariat avec GTT, donne la parole à des témoins, experts ou personnalités qui confient leurs regards, leurs observations, leurs anecdotes sur ce « monde du silence » qui n’en est pas un.