Au soulagement général, la carcasse grande comme deux fois le Titanic, redressée et renflouée à grands frais ces derniers mois, a accompli sans accrocs son dernier voyage, tirée pendant quatre jours par deux puissants remorqueurs de haute mer sur un parcours de quelque 280 km le long des côtes italiennes.
La France en particulier avait craint un temps que l’épave ne pollue les côtes corses lors de son passage à proximité, bien que le Concordia ait été escorté d’une flottille d’embarcations chargées de collecter d’éventuels débris flottants, de contrôler la qualité des eaux et de prévenir les cétacés, nombreux dans ces eaux en cette période de l’année.
Arrivé dans la nuit devant le port de Gênes (nord-ouest) et immobilisé à environ deux milles (3,6 km) du rivage, le bateau a commencé vers 03H00 GMT les opérations préliminaires à son entrée et son amarrage dans l’enceinte du port, attendue vers 08H00 GMT. Les techniciens étaient occupés à détacher les câbles le reliant aux deux remorqueurs de haute mer qui l’ont conduit jusqu’ici pour le relier à d’autres remorqueurs en vue de la manoeuvre d’entrée dans le port.
Une nouvelle manoeuvre « pas difficile mais délicate », destinée à parquer définitivement le bateau dans le port, occupera ensuite une grande partie de la journée de dimanche. L’énorme épave, longue de plus de 290 mètres, ne sera sécurisée à quai que dans l’après-midi vers 15H00-16H00 locales, selon le chef de la Protection civile italienne, Franco Gabrielli, qui a supervisé depuis le début toute l’opération de sauvetage.
Le Concordia avait quitté mercredi l’île toscane du Giglio, où il se trouvait depuis l’accident, survenu dans la nuit du 13 janvier 2012 alors que 4.200 personnes se trouvaient à son bord.
Construit en 2006 dans le chantier naval gênois de Sestri Ponente, celui qui fut le plus grand bâtiment de l’histoire de la marine italienne est donc de retour dans sa patrie au terme d’une incroyable odyssée.
Menée par l’armateur Costa et effectuée par le consortium américano-italien Titan-Micoperi, la gigantesque opération de sauvetage a vu successivement le redressement du paquebot, son renflouement, sa stabilisation, puis son trajet jusqu’à Gênes où il sera démantelé, le tout pour une facture de quelque 1,5 milliard d’euros.
L’image de l’énorme navire, resté des mois échoué sur les rochers à quelques dizaines de mètres de la côte, penché à tribord et à moitié immergé, avait fait le tour du monde. Le naufrage avait embarrassé l’Italie en raison du comportement jugé peu glorieux de son capitaine Francesco Schettino. Le marin est actuellement jugé pour homicides par imprudence, naufrage et abandon de navire.
« L’opération n’a pas été facile (…). Elle a été faite par une Italie qui quand elle s’y met est capable de faire vraiment de tout et de nous étonner en bien », a commenté le président du conseil italien Matteo Renzi, attendu à Gênes dans l’après-midi pour dire adieu au mastodonte.
– Nouvelle vie recyclée –
Une nouvelle vie attend à présent du Concordia, monstre de 114.500 tonnes. Entre 40.000 et 50.000 tonnes d’acier sont considérées comme réutilisables et devraient être cédées à des groupes sidérurgiques pour être refondues en de nouveaux matériaux qui pourront être utilisés par exemple dans le secteur de la construction.
Pourront aussi être récupérés d’autres types de pièces comme les câbles électriques en cuivre, les machines, certains meubles ou encore les parois vitrées. D’autres pièces « significatives » pourraient faire leur entrée au musée de la Mer de Gênes.
Pour la ville de Gênes, patrie de Christophe Colomb et ancienne hyperpuissance maritime, l’arrivée du bateau est une aubaine, qui fournira du travail à des centaines de personnes pendant près de deux ans.
« Nous sommes prêts. Gênes, son port, ses techniciens et ses ouvriers spécialisés. Nous sommes tous prêts à accueillir le Costa Concordia et à le démanteler en toute sécurité », a affirmé cette semaine à La Stampa le président de l’Autorité portuaire gênoise Luigi Merlo.
Pour le ministre italien de l’Environnement Gian Luca Galletti, « ce serait une erreur qu’une (telle) opération reste isolée. Le savoir-faire que nous y avons mis, la recherche et l’expérience doivent être exploitées et devenir un filon industriel pour le pays ».