A l’origine de cette initiative pluridisciplinaire, trois établissements publics français: l’Ifremer, l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse et le Conservatoire du Littoral.
« La Méditerranée est une des 25 à 30 zones dans le monde dans lesquelles la biodiversité est d’une énorme richesse mais où elle subit d’énormes pressions -urbanistiques, touristiques et liées au réchauffement climatique-« , résume Fabrice Bernard, du Conservatoire du Littoral, lors d’une conférence de presse au siège méditerranéen de l’Ifremer, à la Seyne-sur-Mer, près de Toulon.
Et les petites îles -« plus qu’un caillou, mais de 1.000 hectares maximum »- constituent « de très bons territoires-écoles pour gérer et suivre la biodiversité (…), d’excellents laboratoires du vivant et d’excellentes sentinelles des changements globaux », résume-t-il: « au-dessus de 1.000 hectares, on a observé qu’en général il commence à y avoir des routes, ce qui perturbe la biodiversité ».
La campagne, qui durera jusqu’au 10 octobre, mènera « L’Europe », un catamaran de près de 30 m de long, dans une demi-douzaine d’îles de la mer Tyrrhénienne -la partie de la Méditerranée située entre la Sicile, la Sardaigne et la Corse.
Le navire, à bord duquel vogueront neuf membres d’équipage et cinq à sept scientifiques, devait appareiller en fin de journée mardi depuis La Seyne-sur-Mer, dans la rade de Toulon, où se trouve le siège méditerranéen de l’Ifremer.
A son bord, une multitude d’instruments scientifiques pour prélever du zooplancton et du phyloplancton, opérer des mesures hydrologiques en continu, mettre à l’eau des sondes ou mesurer la température et la salinité de l’eau. Des caméras rotatives, qui enregistrent automatiquement, seront également déployées pour étudier la faune -une méthode « non intrusive », se félicite Bruno Andral, chef de la mission pour l’Ifremer.
– « Travailler avec les acteurs locaux » –
« Il y a des études qui mesurent les températures en Méditerranée, il y en a aussi qui mesurent la biodiversité », mais l’intérêt de la campagne, baptisée Medbionet, réside justement dans son caractère pluridisciplinaire, pointe Pierre Boissery, expert « eaux côtières » à l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse: « Personne n’a la réponse tout seul, il y a un vrai enjeu de pluridisciplinarité, de complémentarité sur ces questions très complexes ».
La méthode doit permettre d’étudier l’impact du réchauffement climatique sur les environnements terrestres et marins de la demi-douzaine d’îles étudiées, mais aussi « de transférer des outils et des méthodes aux gestionnaires de ces îles », pointe aussi Bruno Andral: « C’est une première campagne, on espère qu’il y en aura d’autres ».
Et s’il sera trop tôt en décembre, lors de la Conférence des Nations unies sur le climat (COP21) qui se tiendra à Paris, pour présenter des résultats complets de cette étude, « cette campagne nous donnera plus d’éléments scientifiques et d’arguments pour aller vers l’action », espère Fabrice Bernard.
« Aujourd’hui, les actions sur le changement climatique sont très difficilement directes, elles sont plutôt indirectes », avance Pierre Boissery, évoquant le cas de la posidonie, une plante aquatique qui joue notamment un rôle dans la protection du littoral en « encaissant » par exemple depuis le fond de la mer une partie des remous générés pas la houle ou les tempêtes. En expliquant leur rôle et en poussant à la protéger, les scientifiques espèrent ainsi contribuer à améliorer la protection des littoraux dans des zones menacées.
« Il faut travailler sur ce genre de pistes-là parce qu’on est pas capable de changer le modèle industriel de la Chine ou des Etats-Unis », poursuit-il. « L’un des intérêts de ces travaux à petite échelle, c’est aussi qu’on réussit assez vite à travailler avec les acteurs locaux », souligne-t-il également: « La philosophie de notre démarche, c’est de faire un lien entre l’étude scientifique et les méthodes pour faire face aux problèmes rencontrés ».