Quotas de pêche 2016: les ONG déçues, les pêcheurs mitigés

Après deux jours de négociations-marathon, les ministres de la Pêche de l’Union européenne (UE) se sont accordés dans la nuit de mardi à mercredi sur les captures de pêche autorisées en 2016 en Atlantique et mer du Nord.

Le Luxembourg, dont le pays assure la présidence tournante du conseil de l’UE, a salué « un accord fort et équitable ».

Pour le lobby européen des pêcheurs Europêche, l’accord est « généralement positif (…) Les augmentations de quotas sur de nombreux stocks reflètent une grande amélioration des mesures de gestion et soulignent les énormes sacrifices faits par le secteur ».

Certains tonnages ont en effet été augmentés, avec l’aval des scientifiques, comme pour le merlu septentrional ou le chinchard des eaux de la péninsule ibérique et occidentales.

Europêche regrette toutefois de « lourdes réductions » des quotas d’églefin et de cabillaud de mer Celtique.

« Honnêtement et en étant réaliste, il aurait été très difficile d’obtenir plus de ce conseil. Nous avons tous vu à quel point la négociation a été dure », souligne Javier Garat, secrétaire général de la Confédération espagnole de pêche.

L’Espagne a obtenu 6.000 tonnes de quotas supplémentaires, mais elle a divisé sa flotte de pêche par deux en trente ans, résume-t-il.

En France, autre grand pays pêcheur de l’UE, il y a « quelques satisfactions », reconnaît volontiers le président du Comité national des pêches Gérard Romiti.

Paris a ainsi obtenu que le quota pour la sole du golfe de Gascogne soit abaissé de seulement 10%, contre 36% proposés. Pour la sole de Manche-Est, la baisse est de -14% contre -32% initialement souhaités par Bruxelles.

Le secrétaire d’Etat à la Pêche français Alain Vidalies a salué un « accord équilibré, tenant compte des objectifs d’exploitation durable des ressources tout en préservant la viabilité économique et sociale de la filière pêche ».

Mais sur le bar, une pêcherie quasi-exclusivement française dont le stock est dans un état très préoccupant, les points de vue divergent chez les pêcheurs.

L’interdiction de pêche a été ramenée à 2 mois pour les métiers dits « de l’hameçon » et les fileyeurs, contre 6 mois proposés par la Commission.

« C’est très bien pour la ressource, pour le bar (…) L’Europe a pris en compte l’article 17 (de la politique commune de la pêche) sur les petits métiers, et notre forte dépendance au bar », s’est réjoui depuis le Finistère, Gwenn Pennarun, de la plateforme LIFE de la petite pêche européenne. « Ca se retourne contre les gros, mais comme pour moi ils sont un peu responsables… », glisse-t-il.

– « Calmer les esprits »-

Car Bruxelles a maintenu un moratoire de six mois pour les chalutiers de plus de 12 mètres, de janvier à juin, suivi d’une limitation mensuelle du tonnage pêché.

« Comment expliquer à un pêcheur qu’il va devoir rejeter un poisson? C’est du gâchis (…) La Commission manque de cohérence dans ses propositions » pour protéger les stocks de poisson, a critiqué M. Romiti.

Même pour les chalutiers qui ne ciblent pas le bar, « il y a toujours des prises accidentelles de bar en Manche, on va devoir faire du rejet », a confirmé Olivier Leprêtre, président du Comité régional des pêches du Nord.

Côté ONG, la déception domine. Oceana a « déploré l’absence d’ambitions des ministres à respecter leurs engagements scellés lors de la réforme de la Politique Commune de la Pêche, notamment d’éliminer la surpêche ».

Même sentiment chez Greenpeace, pour qui les ministres européens ont « vendu leur âme à l’industrie » en fixant des limites de captures « bien au-dessus des niveaux recommandés par les scientifiques », pour le cabillaud en mers d’Irlande et Celtique, le merlu au large de l’Espagne et du Portugal, et la sole.

« Les ministres européens n’ont pas fourni de preuves que les baisses de quotas recommandées auraient sérieusement menacé l’équilibre économique et social des flottes de pêche concernées », estime l’ONG.

« Il n’y a pas eu de progrès sur le nombre de stocks gérés selon les objectifs du rendement maximal durable », qui resteront au nombre de 36 l’an prochain, souligne l’ONG Seas at Risk.

Stéphan Beaucher, consultant pour PEW, regrette le nombre important de quotas « politiques (…) destinés à calmer les esprits », et un mode de décision très opaque.

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