« Il faut un réseau pour combattre un réseau. Les succès remportés contre les criminels dans un seul port ne feront que les déplacer vers d’autres ports », a déclaré la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson.
La cocaïne, venue d’Amérique latine, inonde le marché européen. Les saisies explosent en Europe, « mais les prix (de vente) n’augmentent pas, ce qui montre que le flux de drogue ne fait que croître », a-t-elle souligné.
L’Alliance des ports européens est destinée à créer un partenariat entre les autorités portuaires, les douanes, les polices et les compagnies de transport maritime notamment. Seize des principaux ports à conteneurs européens étaient représentés lors du lancement, dont ceux de Rotterdam, Hambourg, Algésiras, Marseille, outre celui d’Anvers.
« La complexité du paysage criminel ne fait que croître. C’est évident pour moi que nous ne pourrons pas réussir si nous nous concentrons uniquement sur le niveau national », a souligné la ministre belge de l’Intérieur, Annelies Verlinden, dont le pays exerce la présidence du Conseil de l’UE, lors de cet événement auquel participaient aussi ses homologues européens.
Les grands ports sont la cible de mafias locales, qui n’hésitent pas à corrompre dockers, agents portuaires ou chauffeurs routiers, douaniers et policiers parfois, afin de laisser les « petites mains » récupérer la drogue dans les conteneurs.
Dans le gigantesque port d’Anvers, « grand comme 20.000 terrains de football », les saisies ont battu un nouveau record, avec 116 tonnes interceptées en 2023. Et la principale ville flamande est régulièrement secouée par des violences liées aux gangs qui se disputent un trafic aux enjeux financiers colossaux.
– « Concurrence loyale » –
La hausse du trafic dans le port d’Anvers a été consécutive au renforcement de la sécurité dans celui de Rotterdam, aux Pays-Bas voisins, note la commissaire suédoise. « Désormais Anvers intensifie (la lutte anti-drogue), et il semble que le trafic aille aussi vers des ports plus petits. Par exemple il y a des indications que davantage de drogue arrive à Helsingborg en Suède », a-t-elle indiqué à l’AFP.
Même phénomène au départ de la drogue en Amérique latine, selon elle: après les mesures prises par les ports colombiens, celui de Guayaquil en Equateur est devenu le point majeur d’exportation vers l’Europe de la cocaïne produite en Colombie et au Pérou voisin.
Dans l’UE, près de 70% des saisies de drogues réalisées par les douanes se font dans les ports.
« Nous avons besoin plus de coopération, pas seulement avec la police et les douanes, mais aussi avec les acteurs privés dans les ports », souligne Ylva Johansson.
Le phénomène de la corruption au sein des ports lié au trafic de dogue « est aussi un risque pour le commerce légal, donc personne n’a envie de ça », insiste-t-elle.
Pour le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, il est crucial d’avoir un même niveau de sécurité dans tous les ports de l’UE afin des respecter une « concurrence loyale ». Car ces contrôles prennent du temps, peuvent retarder l’activité commerciale et affaiblir l’attractivité économique d’un port.
Au sein de l’Alliance, les participants échangeront informations et bonnes pratiques pour sécuriser les ports, cartographier les flux et démanteler les réseaux criminels.
Outre les flux arrivant par conteneurs dans les grands ports du Nord de l’Europe, un autre mode opératoire consiste pour les trafiquants à acheminer la drogue vers l’Afrique de l’Ouest ou du Nord, où elle est chargée sur des plus petits bateaux à destination de ports situés en Espagne notamment.
Et à côté de la déferlante de cocaïne, les autorités s’inquiètent aussi de la hausse du trafic des drogues de synthèse.
Gérald Darmanin a appelé à une stratégie commune, « notamment pour éviter que le fentanyl arrive en Europe ».
Ce puissant opiacé de synthèse, fabriqué à base de produits provenant très souvent de Chine, est à l’origine de dizaines de milliers d’overdoses chaque année aux Etats-Unis, où il est introduit par les cartels mexicains.