Holyhead est le deuxième terminal roll-on/roll-off du Royaume-Uni derrière Douvres, grâce à sa position stratégique, à seulement une centaine de kilomètres par mer de la capitale irlandaise Dublin.
« Le port est crucial pour nous », déclare à l’AFP Carwyn Jones, chargé du développement économique au conseil de l’île d’Anglesey, à l’extrême nord-ouest de la province britannique. Il génère 650 emplois directs, selon lui, dans cette zone parmi les plus pauvres du Royaume-Uni qui s’est prononcée à une courte majorité en faveur du Brexit en 2016.
Le terminal jouxte les rues grises et peu animées de la localité de 12.000 habitants, balayées par des rafales de vent automnal. Il ne s’anime qu’au gré des départs et arrivées de ferries, une vingtaine par jour. Des dizaines de camions embarquent alors à la queue leu leu, ou débarquent pour poursuivre leur route en Grande-Bretagne ou vers l’Europe continentale.
La traversée dure environ trois heures et demie: c’est la route maritime la plus rapide entre l’Irlande et la Grande-Bretagne, et un axe privilégié pour l’acheminement de marchandises (produits agroalimentaires, pièces pour l’industrie automobile, médicaments, etc.), dont quelque 25% ont la province britannique d’Irlande du Nord pour origine ou destination.
– Contournement –
Une dynamique menacée en cas de Brexit dur fin mars 2019 et son corollaire, si les négociations de divorce entre Londres et l’UE échouent: le rétablissement des contrôles douaniers.
« Si au premier jour du Brexit les poids lourds doivent faire la queue, cela causera un chaos absolu et mettra toute l’activité à l’arrêt », prévient Carwyn Jones, membre d’un parti nationaliste gallois.
« De courts retards – un quart d’heure – pourraient entraîner une accumulation (de camions) sur quelque cinq kilomètres », estime le député travailliste Albert Owen. « Le port n’a pas la capacité d’y faire face ».
Au point qu’un contournement de la Grande-Bretagne est envisagé au profit de liaisons directes entre l’Irlande et le continent. La Commission européenne a évoqué Zeebrugge (Belgique) ou Rotterdam (Pays-Bas) notamment.
« Quand c’est possible », la société irlandaise Virginia International Logistics utilise déjà des routes alternatives, déclare à l’AFP son directeur du transport, Ray Cole, citant notamment Dublin-Cherbourg (France). Mais pour l’instant cette traversée a le désavantage d’être bien plus longue et pas quotidienne.
Selon un rapport du Parlement gallois, la moitié des quelque 750.000 camions rejoignant Dublin par mer ou en provenant sont passés par Holyhead en 2015.
La compagnie de ferries Stena Line, opérateur du port de Holyhead, a indiqué à l’AFP qu’elle examinerait son activité à la lumière de l’impact du Brexit.
« Cela pourrait affecter l’emploi », déplore Michael Hartnett, un routier irlandais quinquagénaire qui déplore le manque d’informations sur l’après-Brexit.
– ‘Booze cruises’ –
Autre risque pour Holyhead, selon le Parlement gallois: un alignement réglementaire de l’Irlande du Nord avec l’UE, dont ne ferait pas partie la Grande-Bretagne, pourrait dérouter une partie des marchandises nord-irlandaises. Au lieu de transiter par Dublin, puis d’être contrôlées au Pays de Galles, elles seraient directement expédiées de Belfast en Angleterre, vers Liverpool par exemple, une traversée de huit heures actuellement moins prisée.
Les commerçants s’inquiètent aussi, à cinq mois de l’échéance.
« Le Brexit pourrait avoir un effet défavorable sur l’activité à Holyhead, pas seulement la mienne », estime Joe Caffrey, un policier retraité venant d’y reprendre une petite pension, fréquentée majoritairement par des voyageurs en transit.
« Tout le monde appréhende l’endroit où la frontière sera tracée », abonde Howard Browes, propriétaire d’un restaurant-hôtel face au port.
Moins alarmiste, Nicholas Whatmore, directeur général de l’établissement Road King, qui offre restauration et divers services aux routiers, comme des douches et une laverie automatique, voit, lui, des « opportunités » dans le Brexit.
Une frontière signerait le retour du duty-free sur les bateaux, de quoi encourager les « booze cruises » (« croisières alcoolisées »), selon lui.
Signe de cet optimisme: sa société investit 5 millions de livres dans la localité, notamment dans un hôtel et une station-service. Il attend aussi des retombées d’un projet de centrale nucléaire à Anglesey, de plusieurs milliards de livres.