« C’est comme s’il y avait des fleurs dans la mer. Cela n’était jamais arrivé auparavant », raconte Elvis Morillo, un pêcheur de 59 ans sur le quai de Chuao, village côtier célèbre pour son cacao. « D’abord il y a eu une méduse transparente qui est restée jusqu’en janvier (méduse dôme), et maintenant celle-ci, qui est plus petite, mais il y en a trop ».
La méduse boulet de canon (Stomolophus meleagris) remplit désormais les filets des pêcheurs.
Avec les méduses, « les sardines et d’autres espèces qui servent d’appâts pour la pêche ont disparu. La pêche est à son plus faible niveau depuis des années », explique Gustavo Carrasquel, de l’ONG Azul Ambientalistas (« environnementalistes bleus »), qui vit à Choroni, une ville voisine de Chuao.
Pour le ministère de l’ Environnement, les causes de la prolifération des méduses pourraient être le changement climatique et la baisse des stocks de leurs prédateurs, comme les requins et les tortues de mer.
Le ministère cite aussi la pollution du milieu avec des eaux industrielles et domestiques non traitées, ou des hydrocarbures, qui favorisent l’émergence d’éléments dont se nourrissent les méduses.
– Exploitation commerciale ? –
Il s’agit d’un « événement atypique, complètement anormal », analyse Joxmer Scott Frias, professeur et chercheur à l’Institut de zoologie et d’écologie tropicale de l’Université centrale du Venezuela (UCV).
« Quelques individus avaient été observés ces dernières années, mais l’augmentation de la population cette année a dépassé les estimations précédentes », explique l’universitaire, tout en collectant des échantillons de ces méduses pour les étudier.
Les raisons de la pullulation ne sont pas claires pour l’instant, déclare Scott Frias, qui, avec des ressources limitées, cherche des réponses dans un modeste laboratoire.
Le déclin progressif des poissons sur les côtes d’Aragua (centre-nord du Venezuela) – où prolifère également le corail envahissant Unomia stolonifera – génère de l’incertitude.
« Nous avons pratiquement neuf mois sans production de poisson », déplore Fernando Mayora, responsable du conseil des pêcheurs Renacer, qui regroupe quelque 400 habitants de Choroní.
« Avec le problème des méduses et des coraux envahissants, nous ne savons pas quoi faire. Les poissons ont disparu », résume-t-il, en demandant l’aide des autorités.
À Chuao, par exemple, les pêcheurs qui prenaient entre 3.000 et 5.000 kilos par semaine, n’en sortent plus qu’entre 500 et 1.000, estime Douglas Martinez, un commerçant et pêcheur de 44 ans. « Avec les méduses, la pêche se dégrade ».
M. Mayora demande que l’on s’inspire des expériences comme celle du Mexique, où cette méduse est exploitée commercialement depuis plus de 20 ans. Elle est exportée vers les pays asiatiques qui s’en servent dans la gastronomie mais aussi dans l’industrie pharmaceutique. « Nous devons donc savoir si nous pouvons en tirer parti au Venezuela », affirme-t-il.