Au Brésil, une application aide les pêcheurs à dénoncer la pollution

Rio de Janeiro, 20 août 2024 (AFP) – Le téléphone comme « arme » contre la pollution des océans: le Brésilien Alexandre Anderson, président d’une association de pêcheurs engagés, enregistre sur une application des images d’une tache d’huile dans la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro.

Grâce à l’application « De Olho na Guanabara » (un oeil sur Guanabara), développée par son association, Ahomar, et l’ONG 350.org, les pêcheurs peuvent signaler des infractions environnementales, comme des fuites de pétrole ou des rejets de produits chimiques.

L’iconique baie de Guanabara, qui s’étend sur 400 km2, est polluée de longue date en raison de l’afflux d’eaux usées de l’agglomération de Rio, deuxième ville la plus peuplée du Brésil, avec plus de six millions d’habitants.

La situation est en outre aggravée par la présence d’épaves échouées et le fait que la baie est exposée à des risques d’incidents liés aux installations de transport ou de raffinage de pétrole des environs.

« Avant, on prenait juste des photos avec notre téléphone ou avec un appareil, mais on ne disposait pas de la localisation exacte », explique à l’AFP Alexandre Anderson, tout en filmant de l’eau trouble qui s’échappe d’un conduit sortant de la coque d’un cargo.

« A présent, l’application fournit la localisation précise nécessaire » pour signaler les infractions, poursuit-il, après avoir immortalisé ce qui s’apparente à un rejet inapproprié d’eau de ballast, utilisée pour stabiliser les navires.

En quelques heures de navigation dans les eaux sombres de la Bahia de Guanabara, Alexandre Anderson a identifié toutes sortes de résidus de pétrole et de produits chimiques rejetés de façon irrégulière dans l’océan.

« C’est du pétrole, de la peinture. Les navires polluent, les remorqueurs polluent, les plateformes polluent et la raffinerie que nous avons ici pollue également », détaille-t-il.

L’application permet aux pêcheurs adhérents de l’association Ahomar d’entrer des images de ces signalements de façon anonyme. Elles sont ensuite vérifiées par un modérateur, puis publiées sur un site internet.

Trois semaines après le lancement de l’application, le 26 juillet, une vingtaine de dénonciations avaient été publiées et une centaine d’autres sont en cours d’analyse.

Ces informations peuvent être utilisées par les autorités, notamment l’organe public de protection environnementale Ibama, pour infliger des amendes ou réclamer des poursuites judiciaires.

– « En première ligne » –

L’objectif est de faciliter cette tâche de surveillance de la baie à laquelle les pêcheurs s’adonnent déjà depuis longtemps.

« Les organismes de surveillance ont toujours dit qu’ils manquaient de moyens », affirme Paulo Barone, président de l’association des pêcheurs de l’île de Paqueta, située au coeur de la baie. Grâce à ce nouvel outil, les autorités « ne peuvent plus se voiler la face ».

« Cela fait des décennies que les pêcheurs artisanaux sont en première ligne des dénonciations de la pollution de la baie de Guanabara », renchérit Luiz Afonso Rosario, coordinateur de 350.org au Brésil.

Les pêcheurs gardent encore en mémoire la marée noire causée en 2000 par une fuite dans une raffinerie de Petrobras qui a déversé 1,3 million de litres de pétrole dans la baie.

« Ça a anéanti la pêche. On ne trouve presque plus de bars ou de merlus », déplore Roberto Marques Resende, un pêcheur de la région.

– Mission périlleuse –

Dans ce combat contre la pollution de la baie, certains risquent leur vie, comme Alexandre Anderson, qui se dresse depuis des années contre les activités pétrochimiques dans la région.

Cet activiste et son épouse sont entrés en 2009 dans le programme de Protection des défenseurs des droits humains du gouvernement brésilien, après l’assassinat de quatre de leurs compagnons de lutte. Il a lui-même subi des menaces. Et selon lui, le lancement de l’application ne « fait qu’augmenter les risques ».

Pas de quoi le décourager. « Aujourd’hui, les pêcheurs disposent de cette arme pour protéger l’environnement, déclare-t-il.

« La seule solution, c’est de dénoncer et de faire en sorte que les responsables soient vraiment punis », conclut-il.

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