« Le tourisme fluvial reste des plus écologiques, mais si on n’est pas vigilant, cette image peut s’inverser », explique Thierry Guimbaud, directeur général de Voies navigables de France (VNF). Cet organisme public gère près de 80% des 8.500 km de voies navigables françaises, le plus long réseau européen.
Croisières fluviales sur des paquebots ou des péniches-hôtels, bateaux-promenades à l’heure ou à la journée, location de bateaux habitables pour des virées en famille : avec plus de 10 millions de passagers par an, le tourisme fluvial en France enregistre depuis quelques années une forte croissance.
Malgré un faible impact en CO2, les défis écologiques se font pressants, d’autant que la clientèle, surtout étrangère, est de plus en plus exigeante en la matière, expliquent les professionnels du secteur réunis récemment à Bordeaux à l’occasion des 4e Rencontres nationales du tourisme fluvial.
« Près de 70% de nos clients sont étrangers, surtout des Allemands et des Suisses, qui sont très demandeurs de bateaux plus propres », explique Corinne Duffaud, responsable commerciale de la société Nicols, constructeur-loueur de bateaux fluviaux installé à Cholet (Maine-et-Loire) et qui compte dix-neuf bases de location en France.
Le constructeur inaugurera en juin dans l’est de la France le Sixto Green, son premier bateau habitable à propulsion électrique, avec des batteries au lithium. Une initiative rendue possible par un partenariat public-privé pour la mise en place de bornes de recharge dont les canaux français sont encore dépourvus.
– ‘Unique en Europe’ –
Pour un budget de 460.000 euros, VNF a ainsi financé l’installation de dix bornes sur une distance de 150 km sur les canaux de la Marne au Rhin et de la Sarre. « L’enjeu était que le bateau électrique puisse avoir 6 à 8 heures d’autonomie, que les bornes soient suffisamment présentes et qu’elles soient à recharge rapide », explique Valérie Meyer, directrice territoriale à Strasbourg pour VNF, qui a supervisé le projet. D’ici 2019, un autre constructeur, Canalous, devrait proposer un bateau électrique sur le même réseau.
Pascal Duc, gérant de l’entreprise « Les croisières charentaises », s’est aussi lancé dans l’aventure. Lorsqu’il reprend la société en 2009, il comprend vite que le bateau-promenade fonctionnant au diesel dont il a hérité n’est pas l’avenir. A partir de 2012, il lance des partenariats avec un architecte et un constructeur de moteurs pour mettre au point un « bateau zéro émission ».
Après six ans d’efforts et d’obstination, et avec un budget de 1,5 million d’euros dont un tiers de subventions publiques, le « Bernard Palissy III » sera mis à l’eau sur la Charente au printemps. « Unique en Europe », selon son concepteur, le bateau de 149 places a une autonomie de plus de dix heures et bénéficiera de trois point de recharge sur son parcours journalier.
« Un tel bateau est duplicable sur 95% du territoire français », s’enthousiasme M. Duc qui dit avoir d’abord pensé à la « satisfaction du client » plutôt qu’à l’évolution inéluctable de la réglementation.
Si ces initiatives sont encourageantes, la filière est encore bien loin du tout électrique.
« Le marché fluvial n’a pas la profondeur du marché de la voiture électrique, il n’y a pas les mêmes possibilités en matière de recherche et développement », souligne Thierry Guimbaud qui plaide pour la création d’une « interprofession » qui permettrait, selon lui, de franchir plus facilement « l’étape » de la transition écologique.
D’autant que la diminution de la pollution atmosphérique n’est pas le seul défi : la gestion des déchets sur les itinéraires et les rejets des eaux usées sont aussi cruciaux. Sur le Canal du Midi, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, VNF a mis en place une expérimentation de collecte des eaux usées, avec pour objectif zéro rejet dans l’eau d’ici 2019.