Au fil des démantèlements, les navires de guerre quittent le cimetière marin de Landévennec

« Il y avait plein de bateaux, plein de marins qui venaient se divertir dans le bourg de Landévennec, c’était toute une ambiance », assure Roger Lars, maire depuis près de quarante ans de ce village de 350 habitants. Entre 1850 et le début du XXe siècle, la Marine utilisait le site pour désengorger le port de Brest. Puis, à partir de la Seconde guerre mondiale, elle a commencé à y stocker ses vieux navires.

« Depuis que je suis gamin j’ai toujours vu des bateaux ici », fait valoir l’élu. « Il y a eu des périodes un peu creuses où il n’y avait pas de bateaux ou seulement des petites unités… on a alors l’impression de vide, d’abandon », insiste-t-il, mettant également en avant l’intérêt touristique du lieu.

Lorsque la brume s’invite au-dessus des carcasses rouillées des coques en fin de vie, dans ce dernier méandre de l’Aulne avant la rade de Brest bordé d’une dense végétation, le paysage prend un tour irréel.

Sous une fine pluie, l’ancienne frégate de lutte anti-sous-marine Duguay-Trouin, 152 mètres de long, est la dernière à avoir quitté le lieu fin juin, laissant huit autres vielles coques derrière elle. Sous remorque, elle a rejoint le chantier naval belge Galloo en vue de sa déconstruction.

Si la perspective d’un site vidé de ses bateaux inquiète le maire, elle réjouit la Marine qui a mis en place depuis plusieurs années une stratégie ordonnée de déconstruction.

« Le stock de vieux navires diminue peu à peu », se félicite le capitaine de vaisseau réserviste Philippe Denys de Bonnaventure, chargé de mission « suivi des navires en fin de vie » à l’état-major de la Marine nationale. Des 90.000 tonnes à déconstruire au début des années 2010, il n’en reste plus que 50.000 aujourd’hui.

Jusqu’au début des années 2000, les bâtiments militaires en fin de vie étaient souvent coulés après avoir éventuellement servi, pour les plus imposants, de brise-lame.

« Maintenant, on a complètement arrêté de les couler. On les déconstruit et on recycle au maximum toutes les matières premières qu’on trouve à bord », note le capitaine de vaisseau.

– « prise de conscience » environnementale –

« Les avanies du Q790 ont déclenché une prise de conscience », reconnaît-il, citant le nom de la coque de l’ex-porte-avions français Clemenceau. L’ancien fleuron de la Marine a été démantelé en 2010 en Grande-Bretagne après des années de péripéties entre la France et l’Inde, qui a fini par refuser d’accueillir l’épave amiantée.

Depuis, la Marine sous-traite la déconstruction de ses navires après un appel d’offre européen, tout en restant responsable du processus.

« Nous nous devons d’être exemplaires », assure le capitaine de vaisseau Stéphanie, chef du bureau prévention et maîtrise des risques environnementaux à l’état-major des armées.

« La plupart des matériels que nous démantelons aujourd’hui ont été conçus dans les années 70-80 », lorsque l’amiante était largement utilisée (son interdiction date de 1996, NDLR), explique-t-elle. Mais, « depuis 10 ans, l’eco-conception s’impose ».

« On travaille à réduire l’empreinte environnementale des systèmes d’armes, faire baisser l’empreinte carbone et énergétique », abonde Fabien, ingénieur maîtrise des risques à la Direction générale de l’armement (DGA).

Et lors du démantèlement d’un navire, « l’objectif est d’obtenir une valorisation maximisée des matériaux », souligne-t-il. La Marine touche un pourcentage du prix de vente des matériaux recyclés par l’entreprise qui remporte le marché. « En poids, plus de 90% des navires de type Cassard sont recyclés », avance Philippe Denys de Bonnaventure, citant la frégate de 5.000 tonnes et 140 m de long désarmée en 2019.

Mais à Landévennec on est bien loin de ces préoccupations: « Nous, tout ce qu’on demande c’est qu’on ait toujours des bateaux », plaide son maire.

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