Partant du constat que l’agriculture représente 20% des émissions de gaz à effet de serre de la France, mais qu’elle est aussi la première victime du changement climatique – et notamment des sécheresses à répétition sur les cultures et les prairies censées nourrir le cheptel – le gouvernement veut « accélérer le mouvement ».
« Nous devons tenir ensemble cette trajectoire vers la neutralité carbone à l’horizon 2050 » – ce qui implique de réduire de 46% les émissions agricoles nationales, a souligné le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau mardi, avant de signer une « feuille de route de décarbonation » avec la filière céréalière.
« Nous sommes dans la même équipe, ce qui est bon pour la planète est bon pour nos terres. Et la meilleure agriculture est celle qu’on importe le moins », a renchéri le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu.
Dans le détail, l’élevage pèse 45% des émissions agricoles (du fait des rots des vaches qui libèrent du méthane), les épandages d’engrais environ 43% (libérant du protoxyde d’azote, gaz 300 fois plus réchauffant que le dioxyde de carbone), et l’utilisation d’énergies fossiles 11% (notamment pour le carburant des tracteurs et le gaz chauffant serres et bâtiments d’élevage).
Dans les vastes plaines céréalières, les leviers sont donc connus: utiliser moins d’engrais minéraux, mieux gérer les prairies, plus de haies, des couverts végétaux entre deux cultures principales pour ne pas laisser le sol nu.
De nombreux agriculteurs sont engagés dans une démarche de réduction de leurs émissions, mais souvent sans avoir fait la démarche d’un bilan carbone de leur exploitation.
– « Volonté d’avancer » –
« Sans dégrader la production », la filière céréalière doit désormais « s’adapter à l’absolue nécessité de réduire son empreinte environnementale », a déclaré Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, qui regroupe les producteurs du secteur.
La feuille de route prévoit dans un premier temps une évaluation des avancées déjà réalisées, avant de fixer de nouveaux objectifs et de définir les moyens à mettre en oeuvre par l’interprofession et l’Etat.
Le secteur de l’élevage bovin, plus émetteur, a pris de l’avance.
En production laitière, un tiers des éleveurs est engagé dans une démarche bas carbone, et la filière « a déjà réduit de 24% ses émissions de CO2 » tout en maintenant une production constante, entre 1990 et 2010, a rappelé le président de l’interprofession du lait (Cniel) Thierry Roquefeuil.
La « signature symbolique » d’une feuille de route ce mardi, avec les deux mêmes ministres, concrétise une « volonté commune d’avancer sur la décarbonation », selon les professionnels du lait et du boeuf (Interbev).
Les leviers sont identifiés: adapter l’alimentation des bovins, allonger la durée de la lactation des vaches, mieux gérer les déjections, qui peuvent être valorisées en fertilisants ou méthanisées pour produire du biogaz. Des recherches sont aussi engagées pour sélectionner des races moins émettrices.
Au pavillon des pêcheurs, la baisse des émissions est aussi en tête des priorités. Le secrétaire d’Etat à la Mer, Hervé Berville, a salué mardi la contribution de l’armateur CMA-CGM à la décarbonation: 200 millions d’euros dont 20 spécifiquement consacrés aux navires de pêche. Ces sommes s’ajoutent aux 300 millions de financements publics prévus d’ici la fin du quinquennat.
Chez les pêcheurs, qui sont engagés avec l’Etat dans la « construction d’un contrat de filière », les efforts doivent porter sur le reflux des carburants fossiles – polluants et pesant très lourd sur la trésorerie des marins.
Les pistes sont nombreuses: le passage au biogaz ou à un mix comprenant l’hydrogène, un système de propulsion utilisant l’énergie du vent ou du soleil, ou encore la construction de navires plus légers (pour moins consommer) à base de matériaux résistants et moins polluants, pour renouveler une flotte de 30 ans d’âge en moyenne.