Avec le redressement du Concordia, l’Italie “joue sa réputation” (experts)

“L’Italie joue sa réputation avec le Concordia”, titre en une lundi le Fatto quotidiano (gauche). “Sur ce morceau de rocher, au milieu de la mer Tyrrhénienne se joue ce qui reste de la réputation et de la crédibilité” du pays, estime son éditorialiste Enrico Fierro.

Chacun a encore en mémoire la tragi-comédie du 13 janvier 2012 qui a coûté la vie à 32 personnes: la révérence ratée (“inchino”) du paquebot venu parader toutes lumières allumées trop près de la côte, les photos du capitaine Francesco Schettino, bronzé et cheveux gominés, sirotant du champagne avec des passagers, et surtout son échange avec un garde-côte qui lui intime l’ordre de remonter à bord du navire, abandonné par le commandant alors que les secours se poursuivent…

“Le naufrage du Giglio a été un monument à la stupidité humaine. Peut-être qu’aujourd’hui peut commencer une histoire nouvelle et différente”, veut croire Marco Imarisio du Corriere della Sera.

Pour lui, l’énorme opération de redressement du Concordia, d’une ampleur et d’une complexité inédites, qui se déroule sous les yeux de plus de 400 journalistes du monde entier, constitue une forme de “rachat” possible.

Le chantier, autour duquel se sont affairés pendant 20 mois les meilleurs experts internationaux, peut, à ses yeux, changer “l’image de l’Italie”.

Même écho de Tito Boeri, un économiste qui signe un éditorial dans Repubblica sur “la métaphore du naufrage”. Certes, il juge que l’affaire du Concordia a été “surutilisée, surtout par la presse étrangère, comme métaphore du déclin de notre pays”.

“C’est une comparaison humiliante et, par bien des aspects, injuste”, proteste-t-il, tout en la jugeant “utile si l’on pense aux défis” qui se présentent à l’Italie.

Il file à son tour la métaphore, jugeant que “si tout se passe bien”, le navire redressé pourra être remorqué loin du port dans quelques mois. Et qu’en parallèle “si tout se passe bien”, “l’économie italienne cessera de couler et reprendra son chemin, entrainée par les exportations”. A condition, estime-t-il, que le gouvernement Letta “trouve rapidement un signal de changement”, faute de quoi il risque lui aussi de partir à la casse, comme l’ex-palace flottant.

“Qui gagnera la partie?”, s’interroge Enrico Fiero. “L’Italie brouillonne, approximative, fanfaronne, téméraire au limite du ridicule” ou “l’Italie qui +remonte à bord+, se bat avec la force de ses capacités techniques, de ses sacrifices, et aussi l’humilité de se faire aider par des compétences internationales” ?

De fait, tous soulignent l’apport des équipes étrangères dans cette gigantesque opération menée par un expert en sauvetage sud-africain, Nick Sloane, à la tête d’une équipe de 500 personnes de 26 nationalités différentes.

Mais aussi l’implication de l’Italien Franco Gabrielli, chef de la protection civile et commissaire du gouvernement sur ce projet, qui a souligné le “bon travail” des institutions italiennes, alors qu'”on parle souvent mal du service public”.

Une de ses déclarations dimanche a particulièrement retenu l’attention dans la péninsule. “Si ça ne se passe pas bien, j’en assumerai la responsabilité”, a-t-il dit.

Une phrase qui prend un relief particulier à Rome où la classe politique est engagée depuis des semaines dans des querelles byzantines pour décider si l’ex-chef du gouvernement Silvio Berlusconi, condamné de manière définitive à une peine de prison pour fraude fiscale, doit être privé de son poste de sénateur…Là-encore, une situation inédite pour l’Italie.

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