Brexit : les pêcheurs de l’UE estiment être plongés dans le noir

Ils ont dénoncé quasi unanimement le manque de visibilité qu’engendre pour eux cet accord, qui prévoit une période de transition jusqu’à l’été 2026 pour renoncer à 25% des captures européennes, qui s’élèvent en valeur à environ 650 millions d’euros par an, et la renégociation annuelle prévue au terme de cette période.

« Dans cinq ans et demi, il y aura de nouveau des négociations et nos pêcheurs risquent non seulement de perdre leurs zones de pêche, mais aussi davantage de quotas. Il serait préférable (…) que l’avenir de la pêche de l’UE dans les eaux britanniques reste lié au marché du libre-échange », a ainsi déclaré Johan K. Nooitgedagt, président de l’organisation Vissersbond, qui regroupe les intérêts des pêcheurs professionnels néerlandais.

« Cette clause de revoyure, qu’aucun autre secteur économique ne supporte, est inadmissible et ne donne aucune visibilité à la pêche française et à toute la filière », a vertement réagi Hubert Carré, directeur général du Comité national français des pêches maritimes et des élevages marins.

Il a déploré les sombres perspectives pour le secteur, jusqu’ici prospère mais dont la flotte de navires a considérablement vieilli, plusieurs crises ayant refroidi les ardeurs des investisseurs. « On était parti sur un renouvellement de la flotte puisque c’est dramatique – les bateaux, en moyenne, ont entre 25 et 30 ans. Ça va être chaud », a-t-il conclu.

– Centaines de millions d’euros de pertes –

Pour les pêcheurs allemands, ce 24 décembre « restera dans l’histoire comme un jour sombre pour les pêcheries européennes, les pêcheurs et leurs familles ainsi que les régions côtières d’Europe et d’Allemagne », selon Gero Hocker, président de l’association qui les défend.

« Toute perte des droits de pêche qui existaient depuis des siècles représente un coup dur pour les pêcheurs et leurs communautés », a réagi à l’unisson Javier Garat, secrétaire général de l’organisation patronale espagnole Cepesca et président de Europêche.

Les pêcheurs britanniques sont pour son homologue allemand « les gagnants incontestables des négociations »: « Les poissons que nous pêchons nous-mêmes depuis des décennies pourront être achetés aux Britanniques à l’avenir », a-t-il déploré. « Le 24 décembre 2020 n’est donc pas une sainte (nuit) mais un Noël très noir pour les pêcheurs d’Europe continentale ».

Ses voisins nordistes du Danemark se sont eux dits « très déçus par le prix d’accès aux eaux britanniques. 25%, ce n’est pas un prix équitable. C’est un prix trop élevé et un prix supérieur à ce qui était notre ligne rouge », a déclaré Kenn Skau Fischer, président de l’organisation des pêcheurs danois Danmarks Fiskeriforening.

Et d’ajouter: « Dans mon organisation, nous sommes particulièrement préoccupés par le niveau de paiement pour les pêches démersales (cabillaud, etc.). Cependant, nous devons voir comment cela est calculé » et comment cela se traduit en termes de quotas de pêche.

Les pêcheurs néerlandais tirent aussi l’alarme sur le plan financier, prévoyant « des centaines de millions de pertes de droits de pêche pour les Pays-Bas », selon VisNed, principale organisation de pêcheurs du pays.

Même sur le plan environnemental, l’Espagnol Javier Garat prédit des déconvenues: « La gestion des pêches est un effort à long terme, et s’il n’est pas géré de cette façon, cela fait peser des incertitudes sur la gestion durable des populations de poissons et retarde les investissements dans le secteur ».

Bruxelles « sera aux côtés » des pêcheurs des Etats membres affectés par l’accord de Brexit, a assuré jeudi le négociateur européen Michel Barnier. « Cet accord demandera des efforts, je le sais, mais l’UE sera présente aux côtés des pêcheurs européens pour les accompagner, c’est notre engagement », a-t-il promis.

burs-ngu/ak/mba

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