Coquillages et crustacés écossais victimes de contrôles post-Brexit

A Arbroath, sur la côte est de l’Ecosse, Bob Teviotdale, un robuste pêcheur aux cheveux poivre et sel remonte un casier de homards sur le quai, sous les cris des des mouettes qui survolent le port à la recherche de nourriture.

« Nos produits sont généralement récupérés dans l’après-midi et à partir de là, ils commencent un voyage à travers le pays jusqu’à la frontière, sur des ferries, et sont expédiés en France », raconte le pêcheur.

« Clairement, avec le Brexit et les différentes règles et réglementations, les gars commencent à avoir des problèmes. Les gens à qui nous vendons, pour eux, c’est devenu non rentable parce qu’il y a trop de pertes », déplore-t-il en agitant ses mains recouvertes de gants en caoutchouc bleu.

« Si on ne peut pas résoudre ça, ça va être la fin pour le secteur des fruits de mer dans ce pays », s’alarme le pêcheur.

Pour les homards, crabes ou langoustines, produits vendus vivants, la rapidité d’expédition est cruciale.

Mais depuis le 1er janvier, après l’expiration de la période de transition post-Brexit, les entreprises d’exportation doivent s’attaquer à davantage de paperasse pour envoyer coquillages et crustacés en Europe, et subir plus de contrôles en chemin.

Côté européen, on pointe en outre une règlementation interdisant l’importation de fruits de mer non purifiés, exigeant d’importantes d’infrastructures actuellement insuffisantes. Le député européen Pierre Karleskind, président de la Commission pêche, a écrit à la Commission pour demander de modifier cette règle.

– « Coût astronomique » –

« Le timing est essentiel, cela ne fonctionne tout simplement pas avec des crustacés vivants », explique Allan Miller, directeur général de la compagnie d’exportation de fruits de mer AM Shellfish.

« En ce moment, nous devons charger un jour plus tôt (…) On doit attendre que nos documents de douanes reviennent avant de pouvoir faire partir les camions. Ensuite on a des contrôles vétérinaire sur les produits de chaque client », soupire-t-il.

« Le coût que cela implique est astronomique. Tout cela va avoir des répercussions sur les pêcheurs », explique-t-il, plaidant pour « que les choses soient rationalisées, rentables, fonctionnent correctement afin que nous puissions faire notre travail ».

L’Ecosse, grand exportateur de produits de la mer vers l’Union européenne, est particulièrement touchée par ces nouveaux délais. Les fruits de mer écossais sont principalement exportés vers le nord de la France, d’où ils sont ensuite expédiés dans le reste de l’Europe.

« L’Écosse est la première touchée car nous exportons d’énormes volumes vers l’Europe », explique Donna Fordyce, directrice générale de Seafood Scotland, organisation de défense du secteur, ajoutant que « maintenant les entreprises anglaises commencent à ressentir également cet effet. »

Lors du référendum sur le Brexit, en 2016, les pêcheurs ont été nombreux à voter pour un départ de l’Union européenne, qu’ils pensaient être à leur avantage en leur redonnant plein contrôle des eaux britanniques. Mais l’accord finalement signé avec Bruxelles laisse aux pêcheurs européens une grande partie de leurs droits pour au moins plusieurs années, faisant grincer des dents. Et les problèmes de distribution ont accentué un sentiment de frustration.

Cette semaine, le gouvernement britannique a été pris à partie par les députés écossais de tous bords politiques y compris les conservateurs du camp du Premier ministre Boris Johnson. Ils réclament une compensation financière pour les pêcheurs victimes de délais d’exportation.

Le ministre de l’Environnement George Eustice a attribué les difficultés rencontrées à des « problèmes de démarrage »: « Une fois que les gens se seront habitués à remplir les papiers, les marchandises circuleront normalement. »

A la Chambre des Communes, chambre basse du Parlement, le député Tommy Sheppard, du parti indépendantiste écossais SNP, a accusé jeudi le gouvernement d’avoir mené l’industrie de la pêche au « désastre » avec le Brexit.

Le ministre chargé des relations avec le Parlement, Jacob Rees-Mogg, lui a rétorqué que depuis le Brexit, les poissons étaient au contraire « plus heureux »: « Ce sont maintenant des poissons britanniques, et ils sont meilleurs et plus heureux pour ça ».

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