« Compte tenu des insuffisances relevées et du risque que cela représente pour la pérennité de ces espèces protégées (…), nous vous invitons à enjoindre le gouvernement à (…) combiner le recours à des dispositifs de dissuasion acoustique à des mesures de fermetures spatio-temporelles (…) dans un délai de six mois », a déclaré vendredi la rapporteure dans son avis.
La décision de la plus haute juridiction administrative française, qui suit généralement l’avis de la rapporteure, est attendue dans les trois semaines.
Les associations à l’origine de recours déposés en 2021, FNE (France Nature environnement), Sea Sheperd France et l’association de défense des milieux aquatiques (DMA), ont d’ores et déjà exprimé leur satisfaction.
« La rapporteure publique reconnait qu’on a un taux de mortalité des dauphins intenable pour la survie de la population et que les mesures prises par l’Etat sont insuffisantes, c’est une bonne chose », s’est félicité Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France à l’issue de l’audience, réclamant « un scénario exigeant » sur le temps des fermetures.
La rapporteure n’a en effet pas précisé la durée exacte des suspensions.
« Aujourd’hui la situation est gravissime, on ne doit pas remettre à plus tard les décisions », a souligné Jérôme Graefe, juriste de la FNE.
– Risque d’extinction –
Selon l’observatoire Pelagis, qui recense depuis 1970 les échouages de cétacés sur la façade atlantique, 395 petits cétacés ont été retrouvés morts sur les côtes atlantiques françaises entre le 1er décembre et le 15 février, dont 60% en Vendée et en Charente-Maritime.
Quarante dauphins ont par ailleurs été retrouvés sur le littoral de la Manche.
L’immense partie (90%) concernait des dauphins communs, une espèce protégée en France et en Europe, et une « grande majorité » présentaient « des traces de capture dans un engin de pêche ».
Pour le seul mois de janvier, 173 se sont échoués, soit 100 de plus qu’à la même période l’an dernier.
Les défenseurs de l’environnement pointent du doigt la responsabilité des chaluts pélagiques et des fileyeurs.
Dans un rapport publié début février, Pelagis souligne que la population de dauphins de l’Atlantique nord-est, estimée autour de 200.000 individus en 2011/12, décroit depuis plusieurs années et « pourrait s’éteindre d’ici 40 à 50 ans » si rien n’est fait.
Après un pic en 2020 avec 1.299 dauphins communs retrouvés morts, le nombre d’échouages annuels de cette espèce a régressé tombant à 669 en 2022.
Mais, sachant que plus de 80% des dauphins morts coulent ou se décomposent en mer plutôt que de s’échouer, la mortalité annuelle sur les cotes atlantiques est estimée entre 8.000 et 11.000 individus.
– « Pas taboue » –
Le Ciem, organe scientifique qui surveille les écosystèmes de l’Atlantique nord, préconise depuis des années une suspension hivernale de certaines pratiques de pêche non sélectives. Une demande réitérée dans une note début février.
FNE, Sea Sheperd et DMA réclament une interruption de trois mois des pêcheries dans la zone pendant l’hiver et d’un mois pendant l’été. Selon le Ciem, cela permettrait de « réduire de près de 88% les prises accessoires de cétacés ».
Jusqu’à maintenant, le gouvernement français a orienté son action sur des mesures de documentation du phénomène et la mise en place de solutions techniques comme des caméras embarquées ou des répulsifs sur les bateaux.
Autant de mesures jugées insuffisantes par les ONG et l’Europe. En juillet 2022, la Commission européenne avait adressé à la France un avis motivé lui demandant d’empêcher les prises accessoires de dauphins communs par les navires de pêche, menaçant de saisir la Cour de justice de l’UE.
Mercredi, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu a affirmé sur Franceinfo que l’interdiction de la pêche dans certaines zones à certaines périodes n’était « pas taboue ». Avant d’ajouter aussitôt: « Mais il nous faut des données concrètes pour délimiter les choses ».