Emissions carbone du transport maritime: appel à une taxation en vue

Paris, 16 juin 2023 (AFP) – L’idée d’une taxe internationale sur les émissions de carbone du commerce maritime devrait être avancée lors du sommet pour un nouveau pacte financier mondial organisé à Paris les 22 et 23 juin, deux semaines avant une réunion cruciale de l’Organisation maritime internationale (OMI).

« On espère lancer un appel très fort sur ce sujet la semaine prochaine. Puis l’OMI se réunit fin juin/début juillet et pourrait adopter une décision universelle avec calendrier de mise en oeuvre », indique une source diplomatique européenne.

Le transport maritime, responsable de 3% des émissions de gaz à effet de serre dans le monde soit à peu près autant que l’aérien, fait partie des secteurs pointés du doigt pour son manque d’effort dans la lutte contre le changement climatique.

– Quelle taxe pour quel usage ? –

Les îles Marshall et les îles Salomon proposent un tarif à 100 dollars la tonne de carbone, soit l’équivalent de 300 à 400 dollars la tonne de fioul lourd. Cela pourrait générer entre 60 et 80 milliards de dollars (54,84 et 73,12 milliards d’euros) de recettes par an selon la Banque Mondiale, destinés aux pays émergents pour financer leur transition et leur adaptation au changement climatique.

« Nous avons besoin de mettre un prix sur les émissions de gaz à effet de serre pour réduire l’écart de prix entre l’usage du fioul et des technologies qui n’émettent pas de carbone », a insisté auprès de l’AFP Tina Stege, émissaire pour le climat des îles Marshall.

Même le patron de Maersk, Soeren Skou, a appuyé l’idée d’une telle taxe, à hauteur de 150 dollars la tonne de carbone.

– Que représente le transport maritime ?

Les porte-containers qui sillonnent les mers du monde acheminent plus de 80% des marchandises sur la planète, selon l’OMI, l’institution onusienne chargée de la régulation du secteur.

Les principales sociétés dans le monde sont le danois Maersk, l’italo-suisse MSC ou encore le français CMA CGM, dont les profits ont explosé pendant la pandémie grâce à la hausse des tarifs du fret, engendrée par la désorganisation des chaînes logistiques.

En 2021, le secteur a engrangé 150 milliards de dollars de bénéfice, selon Bloomberg, des profits historiques. La situation s’est depuis normalisée.

– Un secteur en retard

Comme l’aérien, le transport maritime n’est pas concerné par l’accord de Paris de 2015.

L’OMI a donné en 2018 aux transporteurs l’objectif de réduire leurs émissions de CO2 de 50% en 2050 par rapport à 2008. Une cible considérée comme trop peu ambitieuse alors que de nombreux secteurs, à commencer par l’aérien, visent le zéro émission nette à la même échéance.

L’OMI devrait revoir sa stratégie lors de la réunion du Comité de la protection du milieu marin (MEPC) du 3 au 7 juillet à Londres. L’Union européenne y portera l’objectif de zéro émission nette en 2050 avec deux jalons: -29% en 2030 et -83% en 2040.

« Si la proposition de l’UE soutenue par la France ne suffit pas à limiter le réchauffement à 1,5°C, c’est tout de même un pas dans la bonne direction », a salué Faïg Abbasov, de l’ONG Transport and Environment.

Les Etats-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et les Etats îliens du Pacifique menacés par la montée des eaux veulent un accord encore plus ambitieux avec -37% en 2030 et -96% en 2040.

Certains pays comme l’Argentine ou l’Arabie Saoudite freinent toujours mais d’autres comme les Emirats arabes unis ont fait volte-face et se sont ralliés à l’idée de zéro émission nette en 2050, laissant entrevoir la possibilité d’un accord.

– Des navires plus propres ?

Actuellement, la quasi totalité des 100.000 navires de fret sont propulsés par du fioul lourd, selon Fanny Pointet, chez Transport and Environment.

Pour rendre le secteur plus propre, « quelque chose de très simple c’est d’aller moins vite », affirme Fanny Pointet. Une réduction de 10% de la vitesse diminuerait les émissions de 30%, selon elle.

Ensuite, l’adoption de nouveaux carburants est une des pistes privilégiées par les transporteurs comme Maersk, qui a beaucoup investi dans le méthanol vert. Mais les infrastructures nécessaires à ces nouveaux carburants manquent encore dans les ports.

Des projets de cargo partiellement propulsés à la voile sont aussi à l’étude. Le gaz naturel liquéfié (GNL), particulièrement prisé comme carburant alternatif par le transport maritime mondial, est très critiqué car il engendre de nombreuses fuites de méthane, au pouvoir de réchauffement très supérieur à celui du CO2.

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