En Polynésie, l’essor du tourisme des baleines suscite des craintes pour la santé des cétacés

Papeete, 16 sept 2024 (AFP) – La « saison des baleines » a débuté en Polynésie française, dans le sud de l’océan Pacifique, où les croisières pour observer et même nager avec les baleines sont en plein essor, soulevant interrogations et craintes pour la santé de ces cétacés.

Chaque année, de juillet à novembre, les baleines à bosse viennent se reproduire et mettre bas dans les eaux polynésiennes. Cette collectivité d’outre-mer aux 118 îles et cinq archipels est l’un des seuls endroits au monde à autoriser les mises à l’eau avec ces grands cétacés.

Plus grande île de la Polynésie française avec plus de 1.000 km³ de superficie, Tahiti est un lieu privilégié pour l’observation des baleines.

« On a la chance d’avoir des baleines à bosse qui viennent près des récifs chercher du repos et du calme. Les femelles essaient de fuir les mâles, donc elles viennent se protéger et nager régulièrement le long des récifs », explique Julien Anton, guide pour Tahiti Dive Management, opérateur agréé par le gouvernement polynésien qui propose des rencontres avec les baleines.

– « Enorme opportunité » –

L’activité en plein essor est strictement encadrée pour tenter d’éviter les nuisances sur cette espèce protégée, dont le nombre d’individus avoisine les 80.000 dans l’hémisphère sud. Après avoir frôlé l’extinction, la population de baleines a considérablement augmenté depuis l’entrée en vigueur, en 1986, d’un moratoire international interdisant la chasse commerciale à la baleine.

Un arrêté du gouvernement polynésien, publié le 25 avril 2024, impose une distance de sécurité de 100 mètres entre l’animal et les embarcations autorisées, et de 15 mètres pour les nageurs.

« C’est un des derniers endroits sur la planète où on a le droit de les observer de si près. La population (de baleines NDLR) va très bien, donc c’est vraiment une énorme opportunité », estime Julien Anton.

Succès touristique et manne financière indéniable, la nage avec les baleines est décriée par des associations et une partie de la communauté scientifique. Une étude menée aux îles Tonga, publiée en 2019 dans la revue PLOS One, fait état de « comportements d’évitement », notamment des plongées rallongées, aux effets inconnus sur la santé des baleines.

– Abus réguliers –

Des risques qui ne concernent pas que les animaux. En août 2020, une nageuse de 29 ans avait été grièvement blessée sur la côte australienne après s’être retrouvée coincée entre deux baleines. En l’espace d’une semaine, le pays avait enregistré deux autres accidents impliquant des baleines.

L’association polynésienne Mata Tohora, qui oeuvre pour la protection des mammifères marins, dénonce des abus réguliers de la part de bateaux et de nageurs qui se rapprochent au-delà des limites autorisées.

« Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de bateaux sur l’eau. C’est vraiment le dérangement dû au nombre (qui pose problème) et donc il faut limiter le nombre de bateaux autour des baleines et des dauphins. C’est une gestion de l’activité qui doit être opérée rapidement », juge Agnès Benet, biologiste et fondatrice de l’association.

« On peut nager avec les baleines sans les déranger », précise la chercheuse. « C’est possible si on prend le temps, si on est patient et si on le fait avec amour. Et ça c’est vrai pour tous les animaux. »

L’association milite pour instaurer une période d’interdiction d’observation, à partir de 14 heures, pour permettre aux baleines de se reposer et de se mettre à l’abri pour la nuit. Une mesure visant à équilibrer activité touristique et besoins des baleines.

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