La France a finalement obtenu 1.054 licences de pêche du Royaume-Uni et des îles anglo-normandes, permettant aux titulaires de continuer à pêcher dans leurs eaux, comme avant le Brexit. Pour les dizaines de pêcheurs restés sur le carreau ou dont l’activité a été drastiquement réduite, le gouvernement a prévu un « plan d’accompagnement individuel » (PAI), ou plan de sortie de flotte, pour les bateaux qui seront détruits.
« Ce n’est pas de gaité de coeur qu’on accepte un plan de sortie de flotte. Mais cela fait des mois qu’on attend cet arrêté: enfin, les chefs d’entreprise vont pouvoir s’organiser, avancer », a déclaré à l’AFP Hubert Carré, directeur général du comité national des pêches.
Le secrétaire d’Etat chargé de la Mer, Hervé Berville, a défendu « un plan qui n’entraîne pas de déstabilisation d’un port de pêche ou d’une criée et donc qui ne participe pas à l’affaiblissement de notre capacité de pêche », dans un communiqué.
Ce plan pourrait concerner plus d’une centaine de navires répartis entre Bretagne, Normandie et Hauts-de-France.
Le conflit s’était envenimé au cours de l’année 2021, Londres allant jusqu’à envoyer deux patrouilleurs au large de Jersey, tandis que Paris menaçait de couper le courant aux îles anglo-normandes.
– Nouvelles contraintes –
Selon l’arrêté publié au Journal officiel jeudi, tout navire objet d’une demande d’aide doit avoir mené des activités de pêche pendant au moins 90 jours par an au cours des deux dernières années précédant l’année de la date de présentation de la demande.
Le navire doit être « entré en flotte avant le 1er janvier 2021 » et respecter au moins une des conditions suivantes:
– justifier d’une dépendance d’au moins 20% de la valeur totale des ventes de ses captures réalisées durant l’année de référence 2019 ou 2020 dans les eaux britanniques, de Jersey ou de Guernesey;
– ne pas détenir de licence de pêche donnant l’accès à la zone des 6-12 milles britanniques ou des îles anglo-normandes, et justifier d’une antériorité d’activité sur cette zone;
– présenter une dépendance à un ou plusieurs stocks de poissons spécifiques, générant au moins 20% du chiffre d’affaires.
L’enveloppe globale du dispositif est actuellement de 60 millions d’euros, financée par la Commission européenne.
Le montant de l’aide est calculé pour chaque navire en fonction de sa puissance et le bénéficiaire a l’interdiction d’armer un nouveau navire ou d’augmenter sa capacité de pêche « pendant les cinq années suivant le paiement de l’aide ».
Cette interdiction « est une contrainte supplémentaire », a regretté M. Carré. Pour le comité national, le renouvellement de la flotte française, vieillissante, passe par l’armement de navires plus modernes, plus confortables et silencieux, et donc plus puissants.
Les pêcheurs avaient proposé le principe d’une bourse d’échange, pour envoyer à la casse les bateaux les plus anciens et conserver les plus modernes, mais cela n’a pas été retenu, notamment parce que les jauges et capacité de pêches des navires sortants et celles des navires bénéficiaires n’auraient pas correspondu.
Les patrons de pêche ont jusqu’au 18 novembre pour déposer une demande d’aide. Si leur dossier est accepté, ils s’engagent à sortir leur navire de la flotte sous 90 jours calendaires.
« Au-delà de ce plan », Hervé Berville a évoqué des pistes de soutien à la filière, avec notamment « un fonds pour la décarbonation des navires de pêche ».
Mais les pêcheurs n’ont pas fini de s’inquiéter des conséquences du Brexit: ils redoutent de se voir imposer de nouvelles modalités techniques (types de filets, quotas) assorties aux nouvelles licences britanniques, et ils craignent déjà une surpêche dans les eaux françaises après l’été 2026, quand les navires européens devront renoncer à 25% de leurs captures dans les eaux britanniques.