Face aux pirates, le géant Maersk réclame une grande mission dans le golfe de Guinée

Copenhague, 5 mars 2021 (AFP)

Las des attaques à répétition de ses navires, le plus grand transporteur en mer au monde, Maersk, appelle au déploiement rapide d’une importante intervention maritime internationale pour lutter contre la piraterie dans le Golfe de Guinée, point noir mondial des armateurs.

« En 2021, aucun matelot ne devrait avoir peur de naviguer nulle part à cause des pirates, on n’en est plus à l’âge de la piraterie ! », plaide à l’AFP Aslak Ross, en charge des normes maritimes chez le géant danois. Le numéro un mondial du transport des porte-conteneurs, qui a vu deux de ses navires abordés par des pirates en moins d’un mois, souhaite une présence maritime internationale renforcée près des côtes ouest-africaines, sur le modèle de l’opération européennne Atalante pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie, il y a une dizaine d’années.

« Une solution est d’obtenir de la communauté internationale de soutenir une mission à court-terme », selon M. Ross, en parallèle des efforts engagés à long terme pour renforcer les capacités anti-pirateries des pays côtiers. Un temps concentrées au large de l’Afrique de l’Est, les attaques y ont considérablement diminué après le déploiement d’une armada militaire internationale, tandis que la situation s’est dégradée dans le Golfe de Guinée, où les pirates, nigérians, se professionnalisent. En 2020, cette zone, qui s’étend sur 5.700 km des côtes du Sénégal au nord à celles de l’Angola au sud, a concentré 130 des 135 enlèvements de marins recensés dans le monde, d’après un récent rapport du Bureau international maritime. Un mode d’action devenu plus lucratif que les attaques contre les pétroliers. Parcourue chaque jour par plus de 1.500 bateaux, la route maritime bordant les deux plus grands producteurs de pétrole d’Afrique — le Nigeria et l’Angola — est pratiquée régulièrement par une cinquantaine de navires de Maersk.

Faire la différence

Cinquième puissance de marine marchande du monde avec son grand armateur, le petit Danemark tente de battre le rappel, notamment auprès de l’Union européenne mais aussi de la France, qui reste militairement incontournable en Afrique de l’Ouest. « Le Danemark peut faire la différence mais ne peut pas résoudre le problème seul », dit à l’AFP la ministre danoise de la Défense Trine Bramsen. Pour Maersk, « qui de mieux que les Français ? », dit M. Ross, pointant « des intérêts historiques et une présence régulière dans la région ». De source française, Paris n’envisage pas à ce stade d’opération maritime européenne sur le modèle d’Atalante mais met en avant la mise en place d’une « présence maritime coordonnée » (CMP) dans la zone, validée par l’Union européenne et qui comprend outre la France, l’Espagne, l’Italie et le Portugal.

« Les Danois sont les bienvenus dans la CMP, avec des moyens », souligne-t-on côté français. La CMP, lancée fin janvier, consiste en un partage d’informations et de renseignement ainsi qu’une mise à disposition de moyens : concrètement les navires militaires qui s’y trouvent veillent et transmettent l’information à une cellule européenne. Pour l’UE, c’est la preuve d’un « plus grand engagement opérationnel européen » mais pour la chercheuse Jessica Larsen, de l’Institut danois des relations internationales, cela reste de la surveillance plus que de l’intervention pure. « Il semble y avoir un manque de volonté politique pour lancer une opération militaire du côté européen » dans ce dossier.

L’experte pointe aussi les réticences des États de la région soucieux de préserver leur souveraineté. « Ils ne sont pas nécessairement intéressés pour accueillir une telle opération navale dans leurs eaux, comme ce fut le cas au large des côtes somaliennes », dit-elle. Et c’est particulièrement le cas du Nigéria, qui préfère ne pas révéler la pusillanimité de son engagement. « Il est peu probable que le Nigeria accueille une coalition navale internationale car cela mettrait en évidence l’insuffisance des efforts qu’il déploie pour lutter contre la piraterie », explique Munro Anderson, du cabinet Dryad Global, spécialisé dans la sécurité maritime. 

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