– Des dauphins plus proches des côtes
Est-ce un effet du réchauffement climatique? Les scientifiques ont remarqué que les dauphins nageaient plus près des côtes, sans doute attirés par des anchois et sardines qui se regroupent en bancs très denses, au fond de l’eau en hiver. Les cétacés se rapprochent ainsi des filets des pêcheurs, qui ciblent soles et merlus aux mêmes endroits.
« Il reste beaucoup d’inconnues », souligne Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer. « Ce qui reste difficile à comprendre, c’est le mécanisme exact par lequel un dauphin se prend, ou pas, dans un filet quand il est à proximité ».
– Les effaroucheurs ou « pingers » au banc d’essai
Déjà adoptés sur les chalutiers pélagiques, ces petits appareils fixés à la coque des bateaux, qui émettent un signal acoustique répulsif, ont été installés sur une centaine de fileyeurs. Il s’agit d’étudier si leur activation pendant les opérations de filage (quant le filet est mis à l’eau) réduit le nombre de captures.
« Les analyses statistiques, pour l’instant, ne permettent pas vraiment de trancher la question » de leur efficacité « parce qu’il y a trop de variabilité d’un bateau à un autre », souligne Mme Ulrich.
– Des balises acoustiques prometteuses?
Ces balises, fixées directement sur les filets, émettent un signal compréhensible par le dauphin afin d’alerter de la présence du filet, en s’activant seulement quand un cétacé est à proximité.
« Les premiers résultats ont été prometteurs », souligne Bastien Mérigot, maître de conférences à l’Université de Montpellier. « Les dauphins écholocalisent et communiquent davantage » en présence de la balise, « ce qui favoriserait la détection des filets », explique-t-il, citant le résultat d’expérimentations en mer dans le Finistère.
Des essais ont également été effectués lors d’un millier d’opérations de pêche en 2021 et 2022 et doivent être étendus à 53 navires fileyeurs en 2025.
– Des caméras embarquées pour mieux comprendre le phénomène
D’ici à fin octobre 2025, 100 fileyeurs et 15 chalutiers devront être équipés de caméras embarquées.
« Le premier objectif, c’est de mieux comprendre le phénomène des captures, c’est-à-dire, quand et où les captures ont lieu? Parce qu’aujourd’hui, on a encore du mal à le savoir », dit Fabien Boileau, directeur des aires protégées et des enjeux marins à l’Office français de la biodiversité (OFB).
Les captures accidentelles ne représentent qu’un faible pourcentage des opérations de pêche (1 à 3% environ). « Il faut donc beaucoup d’heures d’observations avant de réussir à avoir des observations porteuses d’informations », souligne Mme Ulrich.
« Avec les caméras, on va pouvoir mener une analyse statistique de grande ampleur », souligne-t-elle, évoquant « une source d’informations » qui « permet d’avoir une information très précise ».
Plus efficaces que les observateurs embarqués, les caméras vont aussi permettre « d’alimenter un algorithme qui, sur la base de l’intelligence artificielle, va permettre un traitement automatisé des données », relève Fabien Boileau.
Il faudra « au moins une année complète d’observations », une fois tous les bateaux équipés, pour avoir des résultats exploitables, prévient-il.
– Des solutions autres que techniques?
« Pour le moment, il n’y a pas encore de solutions techniques miraculeuses », souligne Jérôme Spitz, codirecteur de l’institut Pelagis, qui coordonne le Réseau national d’échouages.
Si les solutions techniques ne démontrent pas leur efficacité, la fermeture de la pêche est-elle la seule issue? « Il ne faut rien s’interdire de discuter sur les solutions alternatives », estime Mme Ulrich. « Est-ce que ça peut être des réductions d’effort de pêche? Des fermetures mobiles? Des changements d’engins de pêche? Ou des combinaisons de beaucoup de choses, notamment des mesures incitatives? C’est tout ça qu’on est encore en train d’étudier dans le cadre du projet Delmoges », porté par l’Ifremer, La Rochelle Université et le CNRS.
Des pratiques observées à l’étranger (Australie, Canada, Écosse, etc.) pourraient servir de sources d’inspiration.