« Je pense que probablement au cours des deux ou trois prochaines semaines nous déterminerons quelles sont les pays qui ont la volonté politique de soutenir cette initiative, et ensuite nous travaillerons directement avec les militaires pour identifier les capacités spécifiques qui soutiendront cette initiative », a expliqué mardi le général Joseph Dunford, le chef d’état-major interarmes américain.
Selon ce général, le plus haut gradé américain, Washington fournirait « la connaissance et la surveillance du domaine maritime ». La Ve Flotte américaine est stationnée à Bahreïn.
Les pétroliers seraient escortés par les nations sous le drapeau desquelles ils naviguent, comme l’a souhaité en juin le président Donald Trump.
Le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo avait alors dit espérer que plus de 20 pays, dont les Emirats arabes unis et l’Arabie saoudite, accepteraient de travailler ensemble sur la sécurité maritime. Cette opération partagée permettrait aux Etats-Unis de ne pas en supporter seuls le coût, avait-il souligné.
L’Inde a déjà envoyé deux navires de guerre dans le Golfe pour y mener « des opérations de sécurité maritime » pour les navires sous pavillon indien.
D’autres pays possèdent des bases militaires dans des pays de la région, comme la France à Abou Dhabi ou la Grande-Bretagne à Bahreïn.
La tension autour du détroit d’Ormuz, par lequel transite près d’un tiers du pétrole brut mondial acheminé par voie maritime, a culminé au cours des dernières semaines avec une spirale d’événements, dont des attaques d’origine inconnue contre des pétroliers et la destruction d’un drone américain par l’Iran.
Téhéran, accusé par Washington d’être à l’origine des sabotages de tankers, a démenti toute responsabilité.
La chaîne américaine CNN a annoncé que des bateaux armés iraniens avaient tenté mercredi de saisir un pétrolier britannique dans les eaux du Golfe et qu’ils avaient été repoussés par une frégate de la Royal Navy.
Selon la chaîne, citant deux responsables américains sous le couvert de l’anonymat, les Iraniens ont ordonné au pétrolier British Heritage, qui naviguait dans la zone du détroit d’Ormuz, de changer sa trajectoire pour s’arrêter dans les eaux territoriales iraniennes.
Un avion américain a filmé l’incident, qui s’est terminé lorsque la frégate britannique HMS Montrose, qui escortait le tanker, a pointé ses armes sur les bateaux iraniens en leur intimant de s’éloigner, toujours selon CNN.
– Déstabiliser le marché –
Le président Trump s’est retiré de l’accord international nucléaire iranien signé en 2015, accusant Téhéran de déstabiliser la région.
Il a réimposé des sanctions sévères contre l’Iran, visant notamment ses exportations d’or noir, tout en affirmant ne pas vouloir la guerre avec la République islamique. Il a ainsi annulé une frappe militaire contre des objectifs iraniens décidée en représailles à la destruction du drone.
Le général Dunford s’exprimait alors que l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, est en visite à Washington.
L’Etat gazier, qui accueille quelque 10.000 militaires américain, est un allié des Etats-Unis mais subit depuis 2017 un embargo de l’Arabie saoudite, les Emirats, Bahreïn et l’Egypte, autres partenaires régionaux de Washington.
Pour Alex Vatanka, du centre de réflexion Middle East Institute, cette initiative américaine pourrait à long terme aider à régler le conflit diplomatique entre les monarchies pétrolières.
Mais l’expert se montre sceptique sur un « changement général de la dynamique » dans le conflit entre Téhéran et Washington.
« Je ne suis pas sûr que cela va dissuader » l’Iran de mettre les Etats-Unis sous pression et de « créer la panique dans la tête » du président américain en déstabilisant le marché mondial du brut, dit-il.
Le chef du Pentagone, Mark Esper, a indiqué lors d’une récente visite au QG de l’Otan que « certains » alliés avaient exprimé de façon privée leur intérêt à participer à cette coalition.
Mais plusieurs dirigeants européens s’interrogent sur le bien fondé de la politique de M. Trump à l’égard de l’Iran.
En mai, l’Espagne avait retiré une frégate accompagnant un porte-avions américain, expliquant vouloir éviter d’être prise dans une « action guerrière ».
Les inquiétudes pèsent sur d’éventuels incidents qui pourraient dégénérer entre cette coalition et la marine des Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique iranienne.
Le détroit d’Ormuz est particulièrement vulnérable en raison de sa faible largeur, 50 kilomètres environ, et de sa profondeur, qui n’excède pas 60 mètres. La République islamique menace régulièrement de bloquer ce passage en cas de confrontation avec les Etats-Unis.
Les Etats-Unis ont déjà participé à la protection des pétroliers dans le Golfe. Pendant la guerre Iran-Irak, des tankers koweïtiens avaient opéré sous pavillon américain.